Des milliers de femmes ont manifesté dans les principales villes du Brésil pour dénoncer la «culture du viol», à la suite du viol collectif sur une adolescente à Rio le 21 mai qui bouleverse le pays.

Des milliers de manifestantes ont défilé mercredi après-midi dans plusieurs villes du pays, notamment Rio et Porto Alegre, et surtout Sao Paulo, où elles étaient plus de 5000 à protester.

Sur les pancartes, on pouvait lire des messages comme «Ca fait mal à l'une, ça fait mal à toutes», «Le viol est un crime, pas du sexe!», ou encore «Lutter sans crainte», avec un jeu de mots en portugais sur le mot «crainte» qui se dit «temer», soit le nom du président par intérim du Brésil, Michel Temer.

Les rassemblements, convoqués quelques jours auparavant, se tenaient au lendemain d'un vote à l'unanimité du Sénat, qui adoptait en première lecture un projet de loi reconnaissant le «viol collectif» et aggravant les peines de prison pour ce crime.

Victime exfiltrée

Le texte voté mardi soir en un temps record et qui doit désormais passer à la Chambre des députés alourdit les peines pour viol.

Il prévoit de faire passer de 15 à 25 ans de réclusion les peines pour viol de mineurs de moins de 14 ans. Dans le cas de victimes de 14 à 17 ans la peine maximum sera de 16 ans, et de 13 ans pour les plus de 18 ans. En cas de décès de la victime, la peine prévue est de 30 ans, comme c'est déjà le cas dans la loi actuelle.

Le viol d'une jeune fille, survenu le 21 mai dans une favela de la zone ouest de Rio, filmé et posté sur internet, a soulevé une onde de choc dans le Brésil, avec des réactions de réprobation de Michel Temer et de Dilma Rousseff, présidente suspendue au moins provisoirement dans le cadre d'une procédure en destitution.

M. Temer a annoncé la création d'un département spécifique pour lutter contre les violences faites aux femmes au sein de la police fédérale.

Cette vidéo montrait une jeune fille de 16 ans allongée sur un lit, manifestement inconsciente. Un homme exposait ses parties intimes en sang tandis que d'autres assuraient que «plus de trente» d'entre eux l'avaient violée.

Trois des suspects ont été arrêtés tandis que trois autres, qui font l'objet d'un mandat d'arrêt, sont toujours recherchés.

La victime a accepté mardi d'être incluse dans le Programme de protection aux enfants et adolescents menacés de mort et a déjà quitté la ville, a indiqué le secrétaire de l'État régional de Rio pour les Droits de l'Homme, Paulo Melo. «La famille avait peur d'une vengeance de la part des trafiquants (de la favela)», a-t-il expliqué.

Selon les statistiques de 2015, la zone ouest de Rio a concentré près de la moité des plaintes pour viols: 705 sur 1610 au total.

Avortement

L'affaire du viol collectif a également relancé le débat sur l'avortement.

Fatima Pelaes, la nouvelle secrétaire d'État pour la Politique des femmes, s'était ainsi prononcée en 2010 «contre l'avortement» en cas de viol, rappelait la presse mercredi.

M. Pelaes avait révélé à la Chambre des députés être «le fruit d'un viol»: sa mère, qui était détenue pour un crime passionnel, avait été violée en prison. Elle avait précisé être devenue «anti-avortement» après sa conversion à une église évangélique.

Dans le plus grand pays catholique du monde, l'avortement est possible uniquement en cas de viol, quand la vie de la mère est en danger ou dans le cas de foetus acéphales (sans cerveau).

Mercredi, Mme Pelaes a diffusé un communiqué où elle affirme que sa position sur l'avortement «ne va pas affecter le débat» sur la question. La victime d'un viol doit avoir le «total» soutien de l'État au cas où elle voudrait avorter, «comme le prévoit la loi», a-t-elle souligné.

Selon l'ONG Forum de sécurité publique, la police brésilienne a enregistré une agression sexuelle toutes les 11 minutes en 2014.

PHOTO AP