Le président du Venezuela Nicolas Maduro a menacé mercredi de relever le niveau de l'état d'exception qu'il a décrété, après des manifestations de l'opposition qui ont été réprimées.

«C'est un recours dont je dispose en tant que chef d'État si le Venezuela est le théâtre de violence en vue d'un coup d'État et je n'hésiterai pas à le décréter si cela était nécessaire pour combattre en faveur de la paix et la sécurité de ce pays», a-t-il déclaré lors d'une réunion avec ses partisans dans l'est du pays.

À l'appel de la coalition d'opposition, la Table de l'unité démocratique (MUD), majoritaire au Parlement, les manifestants ont essayé en vain mercredi de rejoindre les sièges des autorités électorales dans une vingtaine de villes pour demander l'organisation d'un référendum afin de destituer le chef de l'État qui dispose désormais de pouvoirs étendus en matière de sécurité et tente de s'accrocher au pouvoir.

L'opposition a également appelé la population comme l'armée à la désobéissance, après que Nicolas Maduro a décrété l'état d'exception.

Dans la capitale, Caracas, où 14 stations de métro ont été fermées, compliquant les déplacements, un imposant dispositif policier a bloqué un millier de manifestants, dont les chefs de l'opposition, selon des journalistes de l'AFP sur place. La police vénézuélienne les a dispersés par des tirs de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc.

«Maduro dehors !» et «référendum, référendum !», criait la foule dans laquelle flottaient des drapeaux aux couleurs - jaune, bleu, rouge - du Venezuela.

Portant des tenues antiémeutes, des centaines de policiers, dont certains à moto, ont dispersé les manifestants qui ont riposté en jetant des projectiles.

Les forces de l'ordre ont procédé à plusieurs arrestations musclées, à Caracas et en province, où les autorités n'avaient pas autorisé ces manifestations.

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Des militants se sont heurtés aux policiers lors des manifestations à Caracas.

«Ils nous répriment»

Le bras de fer entre chavistes (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013 et mentor de Nicolas Maduro) et antichavistes s'est intensifié depuis que l'opposition a collecté début mai 1,8 million de signatures pour déclencher le processus d'un référendum, qu'elle veut organiser d'ici à fin 2016.

«Il (le gouvernement) a mis plein d'obstacles, il ne veut pas vérifier les signatures et maintenant, avec l'état d'exception, il nous réprime», a déclaré à l'AFP Mary Olivares, une étudiante de 28 ans, qui défilait dans la capitale.

Sur les réseaux sociaux, les photos et les vidéos d'actions de protestation ou de pillages se multiplient dans ce pays qui connaît le taux d'inflation le plus élevé du monde (700% prévu par le FMI pour 2016).

Cette mobilisation de mercredi intervient après une brusque crispation des deux camps: l'opposition a appelé l'armée et la population à la désobéissance, tandis que le président Maduro a invoqué une «fraude» pour que le référendum n'ait pas lieu.

«Nous ne voulons pas de bain de sang ou de coup d'État», a déclaré pendant la manifestation le président de l'Assemblée Henry Ramos Allup (opposition), qui plaide pour «un règlement pacifique» de cette crise politique.

«Le référendum peut avoir lieu cette année et vous le savez. Évitons une explosion», a renchéri le principal leader des antichavistes Henrique Capriles, candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2013 face à Nicolas Maduro.

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La tension était à son comble à Caracas alors que les forces de l'ordre tentaient de disperser les manifestants.  

PHOTO CARLOS GARCIA RAWLINS, REUTERS

«Dictateur en herbe»

Le vice-président vénézuélien Aristobulo Isturiz leur a répondu de patienter jusqu'au prochain scrutin présidentiel. «Cela se décidera à une élection, elle se gagne ou elle se perd. Maduro a été élu pour une période déterminée (2013-2019), attendez votre élection. Si vous gagnez, Maduro passe le pouvoir, tranquille. Quel est le problème ?», a-t-il déclaré.

L'Assemblée nationale a de son côté rejeté le récent décret du président sur l'état d'exception qui étend ses pouvoirs en matière de sécurité et de distribution alimentaire et énergétique. Le Tribunal suprême de justice (TSJ), la plus haute autorité judiciaire, considérée comme proche de Nicolas Maduro, doit encore se prononcer.

«Ici, à Guarenas, il y avait des révolutionnaires (des partisans d'Hugo Chavez ou de Nicolas Maduro), mais les gens ne veulent plus de révolution, ils ont faim ! On est fatigué de s'entretuer pour une boîte d'oeufs ou un paquet de farine», s'exclame Migdalia Lopez, 51 ans, qui attend pour faire ses courses dans cette ville à 45 km de Caracas où des mouvements de protestation ont eu lieu la veille en raison des pénuries.

Refuser d'écouter l'opposition fait de Nicolas Maduro un «dictateur en herbe», a commenté le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), l'Uruguayen Luis Almagro.

Le président, qui brandit la menace d'une intervention extérieure, a accusé les États-Unis d'intrusion dans l'espace aérien vénézuélien la semaine dernière et a ordonné des manoeuvres militaires pour samedi. Washington, qui a démenti mercredi l'intrusion, s'est dit «profondément préoccupé» par les violences exercées sur les manifestants.

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