Des passagers cubains n'ont pu retenir leurs larmes lundi en débarquant à La Havane du premier navire de croisière américain arrivé en un demi-siècle sur l'île de Cuba, fruit du rapprochement diplomatique entre les deux pays.

«Je pleure depuis le lever du jour. Je ne peux pas croire que je suis ici», souffle, les yeux rougis, Maria Eugenia Peña. Les parents de cette avocate de 47 ans, née à Miami, ont quitté Cuba peu après la révolution castriste de 1959. Elle n'a jamais vu La Havane.

«J'ai très envie de voir la terre où sont nés mes parents, où sont nés mes cousins que je n'ai jamais connus», confie-t-elle à l'AFP peu avant de débarquer.

Vers 10h30, la sirène du paquebot Adonia de la compagnie Fathom, filiale du groupe américain Carnival, retentit dans le port de La Havane, suscitant des cris d'enthousiasme parmi les Cubains et les touristes étrangers venus par dizaines assister à ce spectacle historique sous un beau soleil.

La foule des curieux agite des drapeaux cubains et américains, célébrant la réconciliation entre les deux ennemis de la Guerre froide, en ce lundi férié sur l'île communiste.

«Pour moi, c'est incroyable, très émouvant», dit à l'AFP Yaney Cajigal, danseuse de 32 ans venue attendre sa nièce qui voyageait à bord du navire.

Parti la veille de Miami, bastion de la diaspora cubaine aux États-Unis, l'imposant bâtiment de douze étages doit réaliser une croisière d'une semaine autour de l'île, avec 700 passagers à bord, dont une vingtaine de Cubains.

«Mon coeur a tressailli quand j'ai aperçu le Malecon», fameux boulevard longeant la mer dans la capitale cubaine, a raconté Vicky Rey, vice-présidente du service client de Carnival. «Cela me rappelle tant d'histoires que me racontait ma maman».

Elle avait cinq ans quand ses parents l'ont fait quitter l'île. Peu à peu toute sa famille a émigré et elle n'a plus de proches à Cuba. Même son espagnol semble désormais hésitant.

Un afflux de touristes?

Des activités culturelles sont prévues lors d'escales à Cienfuegos et Santiago de Cuba: rencontres avec des artistes, cours de danse et visites guidées. Un voyage facturé 1800 dollars pour une cabine, jusqu'à 7000 pour une suite.

«Visiter Cuba, pour moi c'est réaliser un rêve, je suis bouleversée», dit Diana Liotta, passagère américaine descendue du bateau, comme la plupart de ses compatriotes, en agitant des drapeaux des deux pays.

Carnival est la première entreprise à être autorisée, à la fois par les États-Unis et par Cuba, à naviguer entre les deux pays qui avaient interdit ces voyages après la révolution cubaine.

Ils ont rétabli leurs relations diplomatiques en 2015, mais leurs échanges commerciaux et touristiques restent conditionnés à l'embargo américain en vigueur depuis 1962, malgré les protestations de La Havane.

Certaines des restrictions ont toutefois été levées et la croisière, que Fathom prévoit de réaliser deux fois par mois, pourrait donner le coup d'envoi à un afflux de touristes sur l'île.

Dans quelques mois, les vols commerciaux réguliers reprendront entre les deux pays, dans la limite de 110 vols quotidiens.

Ces voyages profiteront d'abord aux deux millions de Cubains réfugiés aux États-Unis tandis qu'à Cuba, beaucoup espèrent que l'arrivée de ces nouveaux touristes dopera l'économie et leurs maigres revenus.

Les touristes américains ne peuvent toujours pas se rendre individuellement sur l'île, mais l'administration Obama a assoupli les restrictions pour les voyages à but éducatif, culturel, sportif ou religieux.

L'an dernier, ils ont été 160 000 à s'y rendre, 57% de plus qu'en 2014.

La plateforme d'hébergement chez l'habitant Airbnb propose déjà 4.000 offres à Cuba, tandis que la chaîne hôtelière Starwood gère désormais l'hôtel Inglaterra, ouvert en 1875 et qui dispose de 83 chambres en plein coeur de La Havane.