L'opposition au Venezuela recueillait mercredi des signatures dans tout le pays afin d'organiser d'ici fin 2016 un référendum contre le président socialiste Nicolas Maduro, sous pression dans un climat de crise économique et de mécontentement populaire.

Forcés à chômer cinq jours par semaine dans le secteur public, privés d'électricité quatre heures par jour par manque d'énergie, lassés de patienter devant des supermarchés aux rayons vides, des milliers de Vénézuéliens se rendaient aux points de collecte des signatures.

«Je suis venue signer pour en finir avec cette anarchie», a confié à l'AFP Miriam Leal, 54 ans, dans l'est de Caracas.

«Les médicaments manquent, le travail et l'éducation aussi, et en plus de cela, il y a le problème avec l'électricité», a-t-elle ajouté, expliquant que sa famille, en province, «souffre des coupures» récurrentes.

Il s'agira d'un «référendum révocatoire contre la crise», a clamé l'un des chefs de l'opposition, Henrique Capriles, en apposant sa signature.

Candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2014, il s'est dit persuadé que son camp réunira «en un temps record, quelques heures» les 195 721 signatures (soit 1% de l'électorat) nécessaires.

«Situation très tendue» 

Ce palier doit être atteint d'ici 30 jours, puis validé par le Conseil national électoral (CNE) pour passer à la deuxième phase : réunir quatre millions de signatures pour organiser le référendum, qui pourrait avoir lieu dès fin novembre selon M. Capriles.

Il faudra, enfin, dépasser le nombre de votes obtenus en 2014 par Nicolas Maduro (7 587 532) pour obtenir son départ.

«Rien de ce qu'ils (l'opposition) sont en train de faire n'a de viabilité politique et la révolution, ici, va continuer et ce président va rester au moins jusqu'en 2018», a réagi le président mercredi soir, évoquant l'année où doit se tenir la prochaine élection présidentielle, pour une prise de fonction en 2019.

Si le référendum a lieu d'ici le 9 janvier 2017 et est couronné de succès, de nouvelles élections seront organisées, sinon son vice-président le remplacera, ce qui pourrait pousser le CNE, réputé proche du gouvernement, à «traîner des pieds», estime Risa Grais-Targow, directrice pour l'Amérique latine du cabinet d'études Eurasia.

«Le contrôle opéré par le gouvernement sur le CNE et la Cour suprême signifie qu'il peut facilement allonger la procédure jusqu'à l'an prochain, ce qui éliminerait la nécessité de nouvelles élections et permettrait au chavismo (du nom de l'ex-président, le défunt Hugo Chavez, 1999-2013, ndlr) d'orchestrer un changement depuis l'intérieur», ajoute-t-elle.

Selon Henrique Capriles, ce référendum est «un mécanisme pour éviter l'explosion sociale» alors que des habitants en colère ont attaqué ces derniers jours des petits commerces à Maracaibo (nord-ouest), deuxième ville du pays. Une centaine de personnes ont été arrêtées.

«La situation est très tendue, il y a des zones qui sont jusqu'à dix heures par jour sans électricité», a raconté à l'AFP Doris Falcon, administratrice d'un institut de formation à Maracaibo. 

Triple crise 

La pression est maximale pour Nicolas Maduro, au pouvoir depuis 2013 et confronté à une triple crise: politique, économique et énergétique.

Sur le front politique, il doit composer, depuis janvier, avec un Parlement contrôlé par l'opposition, qui souhaite plus que jamais le faire partir.

Nouvelle conséquence de la crise qui frappe le pays: les salaires des députés et des employés du Parlement ne seront plus versés, faute de ressources.

Autrefois riche producteur pétrolier, le pays sud-américain est par ailleurs plongé en plein marasme économique, avec la chute des cours du brut, souffrant au quotidien de pénuries qui accentuent l'exaspération populaire.

Enfin, le Venezuela pâtit de sévères coupures d'électricité, en raison selon le gouvernement de la sécheresse due au phénomène météorologique El Niño, l'opposition dénonçant elle le manque d'investissements dans le réseau.

La gravité de la situation a poussé l'exécutif à annoncer des mesures spectaculaires afin d'économiser l'énergie : ainsi, les fonctionnaires ne travailleront plus que deux jours par semaine, les lundi et mardi. Les classes seront suspendues le vendredi, de la maternelle au lycée.

Le gouvernement avait déjà annoncé que l'électricité serait coupée quatre heures par jour pendant 40 jours dans les huit États (sur 24), décrété un changement de fuseau horaire de 30 minutes et ajouté des jours fériés.