Des enquêteurs indépendants ont accusé dimanche le gouvernement mexicain d'avoir entravé l'enquête sur la disparition des 43 étudiants mexicains et dénoncent des tortures de suspects dans leur rapport final.

À l'issue d'un an d'enquête, ces experts étrangers de la commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) ont présenté un rapport cinglant de plus de 600 pages dans lequel ils regrettent de n'avoir pu élucider cette affaire qui avait choqué l'opinion publique mondiale.

Ils affirment avoir été «entravés» par les autorités mexicaines et avoir subi une «forte campagne médiatique» visant à décrédibiliser leur travail.

Les autorités ont montré, selon eux, «peu d'intérêt» à faire avancer de nouvelles pistes dans l'enquête et il a été «impossible» pour ces experts d'interviewer 17 suspects actuellement incarcérés.

Cela «démontre que certains secteurs ne sont pas intéressés par la vérité», a condamné l'avocat colombien Alejandro Valencia lors d'une conférence de presse.

De leur côté, les autorités ont affirmé que les experts avaient eu un plein accès à l'enquête.

Le rapport dénonce par ailleurs des cas «de mauvais traitement et torture» sur 17 suspects incarcérés, s'appuyant sur la foi de rapports médicaux.

Les experts s'interrogent aussi sur le rôle de l'armée et de la police fédérale la nuit du drame, révélant la présence de cette dernière à un barrage dans le secteur de la tragédie.

La nuit de 26 au 27 septembre 2014, les étudiants d'Ayotzinapa ont été attaqués par des policiers municipaux de la ville d'Iguala qui les auraient livrés à des membres du cartel de drogue des Guerreros Unidos. Ces derniers les auraient assassinés puis incinérés dans une décharge à Cocula, avant de disperser leurs restes dans une rivière, selon la version officielle.

Mais les experts indépendants ont rejeté ces conclusions, affirmant qu'il n'y avait pas de preuves d'une incinération d'une telle ampleur dans ce lieu.

Seuls les restes d'un étudiant ont pu être identifiés jusqu'à présent.

Le rapport note également que l'armée a surveillé les mouvements des étudiants à travers leur centre de commandement régional et qu'un officier du renseignement militaire a même pris des photos des affrontements entre étudiants et la police.

A plusieurs reprises, les membres de la commission ont demandé à pouvoir interroger 27 des 500 militaires basés à Iguala, sans succès.

Ils ont appelé les autorités à éclaircir les accusations portées contre un bataillon de soldats surnommé «le Satanique», qui pourrait être impliqué dans du trafic d'armes avec le cartel de drogue des Guerreros Unidos.

L'autre «élément clé» qui demande selon eux une investigation plus poussée est «la participation ou la connaissance» par la police fédérale de la disparition des 43 étudiants.

Des étudiants ont affirmé que des policiers fédéraux avaient pointé leurs armes sur eux et les avaient fait descendre du véhicule, les obligeant à s'enfuir.

Des policiers fédéraux ont par ailleurs mis en place un barrage dans le secteur, selon des joueurs de football qui circulaient en bus près d'Iguala.

Les raisons de la tragédie restent obscures.

Les autorités ont affirmé que le maire d'Iguala, depuis incarcéré, avait demandé à la police municipale d'affronter les étudiants de peur qu'ils ne viennent perturber un meeting politique tenu par sa femme. Elles ont également avancé l'hypothèse que le cartel des Guerreros Unidos ait pu confondre les étudiants avec les membres d'un gang rival.

Mais les experts ont rejeté ces hypothèses. Selon la commission indépendante, les étudiants - qui s'étaient emparés illégalement de cinq autobus pour participer à des manifestations - auraient pu être attaqués après avoir détourné par inadvertance un véhicule servant à transporter de l'héroïne.