L'ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a mobilisé mercredi les syndicats contre le «coup d'État» institutionnel visant selon la gauche au pouvoir son héritière, la chef de l'État Dilma Rousseff, menacée de destitution au Parlement.

«Ce pays ne peut pas accepter le coup d'État», a clamé l'icône de la gauche brésilienne devant des centaines de syndicalistes acquis à la cause du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir, réunis pour une rencontre «en défense de la démocratie» à Sao Paulo.

En pleine récession économique, le géant émergent d'Amérique latine est ébranlé par une crise politique historique envenimée par le méga-scandale de corruption Petrobras.

«Nous avons besoin d'un Brésil fort», a lancé le président américain Barack Obama, en visite dans l'Argentine voisine, souhaitant que le pays «puisse résoudre ses problèmes de manière efficace».

Les nuages continuent pourtant de s'accumuler au-dessus du camp présidentiel.

Le géant du BTP Odebrecht, au coeur du scandale Petrobras, a annoncé sa «collaboration définitive» avec les enquêteurs en échange de futures remises de peine.

Financement de campagnes 

Si la justice ne confirme aucun négociation avec l'entreprise, dès mercredi a fuité dans la presse une liste bien embarrassante de plus de 200 politiciens de 18 partis dont Odebrecht aurait financé les campagnes électorales, parmi lesquels le chef de l'opposition Aecio Neves.

Ces financements ne sont pas forcément illicites, la législation électorale brésilienne autorisant des contributions privées aux campagnes.

Dans cette liste figurent certains des personnages-clés de la vie politique du pays, pour la plupart affublés d'un surnom pittoresque.

Le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, qui dirige le processus d'impeachment contre Mme Rousseff est «le crabe», celui du Sénat, Renan Calheiros, «l'athlète», l'ancien président José Sarney (1985-1990), «l'écrivain», le maire de la ville olympique de Rio de Janeiro, Eduardo Paes, «le petit nerveux».

Odebrecht dirigeait un cartel de géants du BTP qui truquait les marchés de sous-traitance du groupe pétrolier Petrobras, moyennant des pots-de-vin dont une partie alimentait les campagnes des partis.

En-dehors de la sphère pétrolière, d'autres marchés sont entachés de soupçons: la construction du stade Arena Corinthians de Sao Paulo, théâtre du match d'ouverture du Mondial-2014 de football, la revitalisation du port et l'extension du métro de Rio en vue des JO-2016 du mois d'août prochain.

Soupçonné de corruption et blanchiment d'argent dans l'enquête Petrobras, Lula a dit mercredi «attendre patiemment» de savoir s'il pourra assumer ses fonctions de chef de cabinet (quasi-Premier ministre) de Dilma Rousseff.

«Même si c'est la dernière chose que je fais dans ma vie, je vais aider Dilma à gouverner ce pays», a-t-il lancé devant ses partisans à Sao Paulo, renouant avec les accents de tribun de sa jeunesse de leader syndical.

Sa nomination a été suspendue pour possible entrave à la justice, en attendant une décision collégiale définitive du Tribunal suprême fédéral (STF), sans doute la semaine prochaine.

En cas d'annulation de sa nomination, «il pourrait être nommé conseiller spécial» de Mme Rousseff, a dévoilé le chef de cabinet particulier de la présidente, Jaques Wagner devant la presse étrangère à Rio. 

Bataille de tranchées 

En attendant, Lula et Mme Rousseff ont remporté une manche dans cette complexe bataille politico-judiciaire.

Un haut magistrat du STF a dénoncé la divulgation, par le juge du dossier Petrobras Sergio Moro, de conversations téléphoniques entre Lula et des autorités protégées par l'immunité, en particulier une avec Dilma Rousseff qui laissait entendre que son intégration au gouvernement visait à le protéger contre un placement en détention.

Le juge, Teori Zavascki, chargé du volet politique du dossier Petrobras, a ordonné au juge Moro de lui remettre toute son enquête sur Lula, pour examen, et décrété le secret sur ces écoutes déjà intégralement diffusées par les médias.

Mme Rousseff a salué une décision «importante» car la divulgation de cette écoute violait «les garanties et droits constitutionnels de la présidence de la République».

Une centaine de personnes protestaient dans la soirée devant le siège du STF à Brasilia, qualifiant le juge Zavascki de «honte nationale».

Une autre manifestation était prévue à Sao Paulo, sous le slogan: «Je me bats pour Moro».

Le 13 mars, des mouvements citoyens anti-Rousseff marqués à droite, avaient mobilisé trois millions de Brésiliens pour réclamer son départ.

A l'Assemblée, les travaux de la commission spéciale de 65 députés chargée de rendre un premier avis sur la destitution de la présidente se poursuivaient.

L'opposition accuse Mme Rousseff d'avoir maquillé les comptes de l'État en 2014, pour minimiser l'ampleur des déficits publics et favoriser sa réélection, ainsi qu'en 2015.