Le président cubain Raúl Castro a vivement réagi lundi aux questions de journalistes sur les prisonniers politiques à Cuba, mettant notamment l'un d'entre eux au défi «de lui fournir une liste» pour qu'il puisse les libérer.

Lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue américain Barack Obama, exercice auquel il est peu habitué, le chef de l'État cubain a d'abord fait mine de ne pas s'apercevoir que c'était à son tour de parler après une question d'un journaliste sur les prisonniers politiques à Cuba.

Alors qu'il lisait un document, M. Obama a dû l'interpeller pour qu'il s'exprime.

«Quelle question concrète posez-vous sur les prisonniers politiques?», a interrogé M. Castro. Puis, sans laisser au journaliste le temps de répondre, il a poursuivi:

«Y a-t-il des prisonniers politiques ? Donnez-moi la liste immédiatement pour que je les libère [...] Donnez-moi le nom ou les noms [...] S'il y en a, ils seront libérés avant la nuit», a assuré M. Castro, 84 ans, visiblement irrité.

Quelques minutes plus tard, lorsqu'une autre journaliste est revenue à la charge sur ce thème, il s'est de nouveau emporté.

«Maintenant c'est moi qui vais vous poser une question [...] combien de pays respectent les 61 droits humains et civiques, quel pays les respecte tous, vous le savez? Moi je le sais, aucun! Certains en respectent quelques-uns, d'autres en respectent d'autres. Nous sommes entre les deux.»

«Cuba en respecte 47, certains en respectent plus et d'autres moins. On ne peut pas politiser la question des droits de l'homme, ce n'est pas correct», a-t-il ajouté, avant de poursuivre: «vous voulez un droit plus sacré que le droit à la santé? Êtes-vous d'accord avec l'éducation gratuite?».

«Vous considérez, par exemple - et c'est le dernier exemple que je vais donner - vous croyez que pour un même travail, un homme [doit] gagner plus qu'une femme parce qu'elle est une femme? Eh bien à Cuba la femme gagne autant que l'homme si elle fait le même travail», a encore insisté le président cubain.

«On ne peut donc pas utiliser cet argument dans la confrontation politique, ce n'est pas juste, pas correct...»

«C'est pareil pour les prisonniers, ce n'est pas correct de poser des questions sur les prisonniers politiques, donnez-moi le nom du prisonnier politique et c'est tout!», a-t-il conclu, presque à bout de souffle.

La conférence de presse a pris fin immédiatement après et Raúl Castro a serré la main de son homologue avant de faire fi du protocole en tentant de lui soulever le bras.

Peut-être une manière pour lui de reconnaître que M. Obama est parvenu à le faire parler des sujets qui fâchent devant la presse.

La Commission cubaine des droits de l'Homme (CCDH), organisation interdite, mais tolérée par les autorités, dénombrait fin 2015 70 détenus pour motifs politiques à Cuba, un chiffre non confirmé par les grandes organisations de défense des droits de l'homme telles qu'Amnesty international.

Dimanche, le défilé du mouvement dissident des Dames en Blanc s'est soldé par des dizaines d'interpellations, quelques heures à peine avant l'arrivée à Cuba du président Obama.