Les déboires judiciaires de l'ex-président brésilien Lula assombrissent un peu plus l'horizon de son héritière politique Dilma Rousseff qui sera confrontée dimanche à une journée nationale de manifestations pour réclamer son départ du pouvoir.

L'opposition espère une participation massive pour faire pression sur les députés hésitants qui seront amenés à voter dans les prochaines semaines pour ou contre la destitution de la présidente de gauche, dont la majorité parlementaire se délite dangereusement.

Des procureurs brésiliens, dont un de São Paulo, a requis mercredi soir des poursuites «pour occultation de patrimoine et blanchiment d'argent» contre Luiz Inácio Lula da Silva, cinq jours à peine après le coup de tonnerre de la brève et humiliante interpellation de l'icône de la gauche brésilienne à son domicile de São Paulo, dans le cadre du gigantesque scandale de corruption Petrobras.

L'enquête du procureur de São Paulo porte sur un appartement triplex à Guaruja, une station balnéaire de l'État de São Paulo, au nom d'une entreprise de construction impliquée dans le scandale Petrobras, mais dont la justice soupçonne qu'il appartienne en réalité à l'ancien président (2003-2010) brésilien. Lula proteste de son innocence, assurant qu'il avait pris une option d'achat de cet appartement avant d'y renoncer.

La dénonciation du parquet de São Paulo a été transmise à un tribunal local qui devra décider s'il y donne suite, ou non à la demande de poursuites contre l'ancien président (2003-2010), fondateur du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir.

Lula avait vivement réagi à son interpellation vendredi, appelant ses partisans à descendre dans la rue pour défendre le PT. Mais le noeud coulant judiciaire se resserre dangereusement au point que son entourage et le camp présidentiel n'excluent pas qu'il puisse être placé en détention à court terme.

Lula ministre?

Selon les médias brésiliens, la gauche au pouvoir fait pression sur Lula pour le persuader d'accepter un ministère de poids, voyant en lui le seul capable de sortir le gouvernement de l'impasse. Lula échapperait par la même occasion à la justice ordinaire, les ministres ne pouvant répondre que devant le Tribunal suprême fédéral (STF).

«Quelle équipe ne voudrait pas aligner Pelé sur le terrain?», a confirmé à demi-mot le ministre du Secrétariat au gouvernement Ricardo Berzoini, en réponse aux questions des journalistes.

Lula n'y serait pas favorable, craignant de passer pour un lâche cherchant à se dérober à la justice. Mais il aurait réservé sa réponse définitive à la semaine prochaine, selon les médias.

«Cette idée de Lula ministre est très incertaine, mais si cela se produit, ce sera très mauvais pour le gouvernement, car perçu comme une mesure de protection», a déclaré jeudi à l'AFP, l'analyste politique Sérgio Praça de la Fondation Getulio Vargas.

«Ils veulent m'impliquer à tout prix» dans l'enquête «Lavage rapide» «et font tout» pour y arriver, a déploré Lula mercredi lors d'une réunion avec des sénateurs chez le président du Sénat, Renan Calheiros, selon le quotidien O Globo jeudi citant «un sénateur».

Ses partisans dénoncent un complot de «l'élite» bourgeoise et des grands médias brésiliens pour empêcher sa probable candidature à l'élection présidentielle de 2018.

L'offensive judiciaire contre Lula tombe au plus mal pour Dilma Rousseff, confrontée aux révélations en cascades du scandale Petrobras, à une profonde récession économique, à l'éclatement de sa majorité et à une fronde parlementaire qui paralyse totalement l'action du gouvernement.

«La présidente Dilma n'a pas de force politique. Elle n'a jamais eu d'autonomie, elle a toujours été une personne qui a accompagné le projet de pouvoir du PT, une personne de confiance de Lula à qui elle n'a cessé de demander des conseils», explique à l'AFP Everaldo Moraes, politologue de l'Université de Brasilia.

«Maintenant que celui qui lui conférait sa force politique se retrouve en ligne de mire (...), le gouvernement est encore plus fragilisé. Désormais, il n'aide plus le gouvernement, il aggrave son problème. La crise politique a atteint son point culminant, avec la possibilité d'assister dimanche aux manifestations les plus massives jamais vues au Brésil».

À la veille de cette journée test, l'incontournable allié parlementaire du PT, le grand parti centriste PMDB se réunira en congrès pour réélire à sa tête le vice-président Michel Temer, qui assumerait le pouvoir jusqu'en 2018 en cas de destitution de Dilma Rousseff. Très divisé entre loyalistes et partisans de la rupture avec Dilma Rousseff, le PMDB détient les clés du sort politique de la présidente.