Le parquet de Sao Paulo a requis jeudi le placement en détention préventive de l'ancien président brésilien Lula, dans un document dont l'AFP a obtenu copie.

« Nous requérons une mesure de détention préventive contre Luiz Inacio Lula da Silva », écrivent les procureurs de São Paulo qui ont réclamé des poursuites pénales pour « occultation de patrimoine » contre l'ancien président de gauche (2003-2010).

Il appartiendra à une juge de São Paulo, chargée d'étudier la mesure requise par le parquet, de se prononcer tant sur l'ouverture de poursuites contre Lula que sur son éventuel placement en détention, dans un délai qui n'a pas été précisé.

Les procureurs de São Paulo estiment que l'ex-président « a porté atteinte à l'ordre public » en appelant vendredi 4 mars la population à descendre dans les rues pour dénoncer la persécution judiciaire dont il se dit l'objet.

« Sa détention préventive est nécessaire pour le bon déroulement de l'instruction car il est démontré qu'il se prévaut de sa condition d'ex-président pour se situer au-dessus de la loi », ajoutent les magistrats dans ce document annexe à leur demande de poursuites pénales contre Lula.

« Il ne peut en aucun cas inciter la population à s'insurger contre les investigations criminelles du ministère public, la police, pas plus que contre les décisions du pouvoir judiciaire », est-il encore écrit.

Le procureur « donne une nouvelle preuve de sa partialité » en requérant la prison préventive à l'encontre de l'ex-chef de l'État, a réagi l'Institut Lula à São Paulo, déplorant une « triste tentative d'utiliser ses fonctions à des fins politiques ».

« Je ne suis pas préoccupé parce que ce serait un contresens, une ignominie, de la part de tout juge d'accéder à cette demande », a pour sa part réagi le président du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir, Rui Falcao.

Accusations

Des procureurs brésiliens ont déposé tard mercredi des accusations contre l'ancien président Lula, relativement à un vaste scandale de corruption et de blanchiment d'argent. 

Les procureurs - dont un de São Paulo - reprochent à M. da Silva d'avoir caché qu'il est le propriétaire réel d'un appartement luxueux de la ville de Guaruja, qui appartient officiellement à la firme de construction OAS.

«Il s'agit d'une dénonciation pour occultation de biens et blanchiment d'argent» a indiqué à l'AFP une source du ministère public de São Paulo ayant requis l'anonymat.

L'enquête porte sur un appartement triplex de Guaruja, une station balnéaire de l'État de São Paulo, qui est au nom d'une entreprise de construction impliquée dans le scandale Petrobras et dont Lula nie être le propriétaire, contrairement aux soupçons du parquet.

La dénonciation du parquet de São Paulo a été transmise à un tribunal local qui devra décider s'il donne suite, ou non, aux demandes de poursuites pénales contre l'icône de la gauche brésilienne.

Concernant l'appartement visé par la dénonciation du parquet de São Paulo, ils avaient mentionné «des indices selon lesquels Lula a reçu en 2014 au moins un million de reais (264 000 dollars) apparemment sans justificatif de l'entreprise OAS par le biais de réformes et meubles de luxe du triplex, à Guarujá».

«Bien que l'ex-président allègue que l'appartement n'était pas à lui car il est au nom de l'entreprise (OAS, NDLR), plusieurs preuves indiquent le contraire », ont affirmé les procureur du dossier Petrobras.

Le président nie être le propriétaire réel de cet appartement, assurant qu'il avait pris une option en vue de son acquisition avant d'y renoncer.

La dénonciation du parquet de São Paulo «confirme la partialité avec laquelle cette affaire est conduite», a dénoncé l'avocat de Lula, Cristiano Zanin Martins, cité par l'édition en ligne du quotidien Folha de São Paulo.

«Cela confirme l'existence d'un conflit de juridiction entre le ministère public de l'État de São Paulo et le ministère public fédéral de Curutiba (en charge de l'enquête Petrobras, NDLR) qui enquêtent sur les mêmes faits», a-t-il souligné.

Cette entreprise compte parmi les cibles principales d'une enquête fédérale distincte qui se concentre sur le géant des hydrocarbures Petrobras. M. da Silva avait été questionné pendant plusieurs heures la semaine dernière relativement à cette affaire, et son domicile avait été perquisitionné.

L'ancien président, qui jouit toujours d'une popularité phénoménale, accuse les procureurs d'avoir un parti-pris contre lui et conteste leur autorité à mener cette enquête.

Les enquêteurs doivent rencontrer la presse au cours des prochaines heures.

Les enquêteurs fédéraux avaient expliqué, vendredi dernier, qu'ils tentaient de déterminer si des rénovations effectuées à l'appartement de Guaruja et à une maison utilisée par la famille da Silva représentaient des faveurs en échange d'avantages politiques. Les deux endroits ont été rénovés de la cave au grenier par des entreprises qui, depuis des décennies, obtiennent des contrats du gouvernement fédéral.

Ces entreprises se retrouvent aussi au coeur du scandale Petrobras, d'une ampleur de 2 milliards de dollars américains.

M. da Silva reconnaît avoir visité l'appartement à deux reprises, mais assure n'en avoir jamais été propriétaire. Il ajoute que l'autre résidence appartient à des amis qui leur permettaient, à sa famille et à lui, d'en profiter.

Lula a-t-il monnayé son influence auprès du gouvernement ?

Les enquêteurs fédéraux essaient aussi de déterminer si l'ancien président a monnayé son influence auprès du gouvernement actuel en retour de discours et de dons à sa fondation sans but lucratif.

Les procureurs responsables du dossier Petrobras avaient assuré vendredi dans un document rendu public avoir recueilli des indices selon lesquels Lula et son Institut auraient reçu de nombreuses faveurs d'entreprises de construction impliquées dans les détournement de fonds au sein de Petrobras.

Un expert a expliqué que l'histoire de l'appartement est vraiment très complexe, puisqu'aucun document ne prouve que M. da Silva en ait été propriétaire, mais qu'il pourrait être inquiété si on détermine qu'il a été rémunéré pour des discours qu'il n'a jamais prononcés.

- Avec Associated Press