Jocelerme Privert, investi président intérimaire d'Haïti après son élection par le parlement dans la nuit de samedi à dimanche, a appelé dimanche après-midi la classe politique à s'unir pour sortir de la crise qui paralyse le développement économique du pays.

«La politique certes vise la prise du pouvoir et sa conservation mais la morale nous commande à tous d'être mus essentiellement et uniquement par le souci d'une gestion saine, rigoureuse, impartiale et transparente des affaires de l'État», a déclaré Jocelerme Privert dans les jardins du palais présidentiel, qui n'a pas encore été reconstruit suite au tremblement de terre de 2010. «A une entente nationale, à un dialogue constructif nous sommes tous tenus et vous êtes tous conviés» a-t-il ajouté.

Celui qui était jusqu'à samedi président du Sénat s'est vu confié la gestion du pouvoir exécutif après une séance marathon de plus de 10 heures au parlement. C'est la première fois depuis 1946 qu'un chef de l'État haïtien est choisi par une élection indirecte.

Il a pris officiellement dimanche la succession de Michel Martelly, qui a achevé son mandat le 7 février sans transmettre le pouvoir à un successeur, à cause du report sine die du second tour de la présidentielle lié à des contestations de l'opposition.

Jocelerme Privert a indiqué que son mandat, prévu pour une durée de 120 jours, sera axé sur «le rétablissement de la sécurité intérieure (...) le rétablissement de l'état de droit (...) et la poursuite du processus électoral»

La cérémonie officielle de son installation s'est voulue inclusive en réunissant les membres du gouvernement démissionnaire, les parlementaires mais aussi des représentants des partis d'opposition, les dignitaires religieux et les diplomates étrangers.

La présence à cette cérémonie de la femme de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide a été très remarquée. Jocelerme Privert a été ministre de l'intérieur sous le second mandat d'Aristide.

En 2004, après le départ en exil du président surnommé «Titid», Jocelerme Privert est arrêté et passe 26 mois en prison. Il sera libéré en 2006 après une grève de la faim. Il a signé son retour en politique à l'occasion des élections législatives de 2010.

Aux abords du palais présidentiel, une cinquantaine de partisans Lavalas, parti de l'ancien président Aristide, ont manifesté leur joie de voir Jocelerme Privert à la tête du pouvoir.

«Lavalas reprend le pouvoir après 12 ans d'exclusion, qui ont été 12 ans de misère pour le peuple», explique Charles Lener, un portrait de Jean-Bertrand Aristide attaché à sa chemise. «Privert connaît lui les problèmes du peuple haïtien» assure-t-il.

Si l'élection du président intérimaire atténue la crise politique, l'incertitude persiste quant à la possible réalisation d'ici quatre mois des élections présidentielles et législatives partielles, reportées sine die en janvier suite aux contestations de l'opposition qui accusait Michel Martelly de fomenter un «coup d'état électoral».

La perspective d'une prolongation du régime de transition est une difficulté supplémentaire pour la faible économie du pays le plus pauvre des Amériques. En refroidissant les intentions de potentiels investisseurs, cette instabilité politique aggrave encore l'inflation qui pénalise en premier ordre les 60% d'Haïtiens vivant sous le seuil de pauvreté.