Députés et sénateurs d'Haïti sont convoqués samedi midi en séance pour élire un président provisoire qui permettra de combler la vacance du pouvoir après le départ sans successeur de Michel Martelly dimanche dernier.

Haïti vit un vide institutionnel sans précédent avec l'arrêt du processus électoral, en raison des contestations massives de l'opposition. Le second tour de la présidentielle a été reporté sine die et Michel Martelly a achevé son mandat le 7 février sans remettre le pouvoir à un successeur.

Dans un accord signé quelques heures avant la fin du mandat de M. Martelly, le parlement a reçu pour mission d'élire, pour un mandat limité à 120 jours, un président provisoire.

Sur les 13 prétendants qui ont déposé leur candidature, seuls trois se sont acquittés des 500 000 gourdes (environ 8400 dollars) nécessaires et ont donc été retenus pour participer à l'élection.

Dejan Bélizaire et Edgar Leblanc Fils ont tous les deux été présidents du sénat par le passé. Le troisième candidat, Jocelerme Privert est lui l'actuel président de la chambre haute du parlement haïtien.

Cette dernière candidature suscite la désapprobation au sein même du pouvoir législatif.

« Halte au coup d'État parlementaire », s'est insurgé le député Gary Bodeau. « Le parlement ne peut pas être juge et partie or l'accord n'empêche pas un parlementaire en fonction d'être candidat: le processus n'est pas impartial », dénonce cet élu.

Que le président provisoire soit élu par suffrage indirect provoque par ailleurs la colère des opposants qui ont manifesté pendant des mois pour réclamer l'arrêt du processus électoral.

Plusieurs centaines de manifestants ont défilé dans les rues de Port-au-Prince vendredi en expliquant qu'ils ne veulent pas se faire voler les bénéfices de leur lutte par les parlementaires.

« C'est la rue qui a mis Martelly en échec donc on doit prendre part aux négociations pour installer un gouvernement de consensus », réclame Aleder Kosler qui considère l'élection de samedi comme « un processus illégal et démagogique ».

Pas même encore né, le régime de transition est donc déjà contesté ce qui pourrait hypothéquer son efficacité. Après la signature de l'accord de sortie de crise, la classe politique considérait déjà qu'achever, dans un délai de quatre mois, le processus électoral stoppé en janvier, était une mission très difficile.

Trente ans après la fin de la dictature des Duvalier, Haïti peine toujours à organiser des scrutins non contestés qui permettraient le développement du pays, dont 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.