La guérilla des Farc sera une « alliée » du gouvernement colombien contre le trafic de drogue une fois un accord de paix signé pour mettre fin à plus d'un demi-siècle de conflit, a déclaré jeudi le président Juan Manuel Santos.

« Les Farc, une fois que nous aurons signé, vont commencer à aider l'État au lieu de le combattre, dans le remplacement des cultures illicites par des cultures licites, ainsi que dans l'élimination (...) du trafic de drogue en tant que tel », a affirmé M. Santos lors d'un forum sur les nouveaux défis de la politique anti-drogue.

« Qu'à partir de la signature la guérilla se transforme en alliée est un changement de paradigme, un tournant à 180° qui nous ouvre, à nous Colombiens, une immense opportunité d'être efficaces sur ce front », a-t-il ajouté.

Le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) se sont engagés à signer un accord de paix d'ici le 23 mars pour mettre fin au conflit, qui a impliqué guérillas d'extrême gauche, paramilitaires d'extrême droite et forces armées, sur fond de violences dues au trafic de drogue.

Ces 30 dernières années, les groupes rebelles ont été, selon M. Santos, « le principal obstacle » au remplacement des cultures illicites - telles celle de la coca, d'où est tirée la cocaïne, ou celle du pavot pour l'héroïne - concentrées « toujours là où se trouve le conflit armé ».

« Les Farc ont été un acteur très important de ce commerce » de la drogue, a-t-il ajouté. « Comme l'État se finance avec les impôts sur les industries, eux se financent avec les impôts sur les trafiquants de drogue », a souligné le chef de l'État.

« Beaucoup disent que s'il n'y avait pas le trafic de drogue, la guérilla aurait disparu depuis longtemps », a poursuivi M. Santos, en admettant la capacité « limitée » de l'État d'agir dans les régions isolées, dépourvues d'infrastructures, mais où les guérilleros sont très présents.

Afin d'éradiquer les cultures illicites, le gouvernement entend déployer cette année 7000 militaires et policiers dans 21 des 32 départements du pays, a pour sa part annoncé le ministre de la Défense, Luis Carlos Villegas lors de ce même forum. « En cette année 2016, nous allons avoir des forces armées (...) multipliées par trois par rapport à 2015 », a-t-il précisé.

Le ministre de la Justice, Yesid Reyes, a de son côté plaidé l'abandon de la politique de la « main de fer » et des « sanctions ». « Le chemin vers la paix requiert non seulement de mettre fin au conflit armé, mais aussi d'abandonner le concept de "guerre contre les drogues" », a-t-il dit.

Il a salué le fait que, pendant les pourparlers de paix, « la guérilla a pour la première fois reconnu l'existence d'une connexion entre la confrontation armée et le trafic de drogue et, ce qui est plus important, s'est engagée à mettre fin à sa relation avec cette économie illégale ».

M. Santos, initiateur des négociations menées depuis trois ans avec les Farc, s'est dit « très optimiste » quant à l'impact positif d'un accord de paix sur le « bien-être et la sécurité de tous les Colombiens » car « le trafic de drogue alimente toutes les sources de violence ».

En mai dernier, les négociateurs sont parvenus à un accord sur le « problème des drogues illicites », un des six points de leur agenda.

La Colombie est le premier producteur de feuilles de coca et, selon l'ONU, elle a exporté quelque 442 tonnes de cocaïne en 2014.