La Colombie a rejoint mardi les pays autorisant l'usage médical du cannabis, via un décret du président Juan Manuel Santos qui en régule aussi bien la culture que le commerce à des fins strictement thérapeutiques.

«Aujourd'hui, la Colombie franchit un pas important pour se positionner à l'avant-garde de la lutte contre les maladies et nous le faisons par un décret qui vise à mettre à profit les bienfaits du cannabis pour améliorer la vie des gens», a déclaré M. Santos.

Ce décret «permet l'octroi de licences pour la possession de semences de cannabis, de marijuana, et la culture de cette plante à des fins exclusivement médicales et scientifiques», a-t-il précisé dans une allocution télévisée depuis le palais présidentiel Casa de Nariño, à Bogota.

M. Santos s'est voulu rassurant quant à la lutte contre les stupéfiants illégaux. «Autoriser l'usage médicinal du cannabis ne va pas à l'encontre de nos engagements internationaux en matière de contrôle des drogues», a-t-il souligné.

Le trafic de drogue est l'un des fléaux de la Colombie, principal producteur mondial de feuille de coca - qui a également un usage médicinal - et de cocaïne avec environ 442 tonnes en 2014, soit 52% de plus que l'année précédente, selon l'ONU.

«La fabrication, l'exportation, le commerce ainsi que l'usage médical et scientifique de ce stupéfiant, et d'autres, sont permis depuis plusieurs décennies en Colombie, mais cela n'avait jamais été réglementé. Et c'est ce que nous faisons maintenant», a ajouté M. Santos à propos du décret, rédigé conjointement par les ministères de la Santé, de la Justice et de l'Agriculture.

Formaliser la fabrication de médicaments 

L'utilisation de la marijuana à des fins thérapeutiques est en effet autorisée en Colombie depuis une loi de 1986. Mais, faute de réglementation, «jusqu'ici il n'était pas possible de permettre la production légale» à grande échelle, a précisé à l'AFP une source du ministère de la Santé.

Et s'il existe déjà des produits thérapeutiques à base de marijuana, notamment pour soulager des patients souffrant d'épilepsie, ils ne sont disponibles qu'en quantités peu importantes et via des circuits fermés.

La culture est en effet limitée à 20 pieds et la possession à 20 grammes pour, en outre, un usage strictement privé, consommation en public et commercialisation étant interdites.

Avec ce nouveau texte, la Colombie rejoint les autres pays du continent américain qui ont déjà, tels que l'Uruguay, adopté une législation légalisant le cannabis. Plus de 20 états des États-Unis en ont aussi autorisé l'usage médical.

Au Chili, le Congrès examine actuellement la question, tandis qu'au Mexique le débat national sur la dépénalisation de la marijuana bat son plein depuis un jugement en ce sens de la Cour Suprême au mois de novembre.

De petits cultivateurs de marijuana se sont félicités de l'annonce du décret, tout en exprimant une certaine inquiétude quant à leur avenir.

«Nous voyons ça d'un bon oeil, mais nous sommes très inquiets», a déclaré à l'AFP Juan Leguizamo, 35 ans, qui cultive du cannabis à Bogota.

«Il faut voir s'il est possible que de petites entreprises (...) comme les nôtres puissent résister face aux énormes monstres qui vont produire en plus grandes quantités», a ajouté un autre, Francisco Sanchez, 42 ans.

Les cultivateurs colombiens devront désormais demander une licence auprès du Conseil national des stupéfiants (CNE), tandis que les fabricants de produits dérivés et les exportateurs de médicaments à base de cannabis devront être agréés par le ministère de la Santé.

Le ministère, le CNE ainsi que la police seront de surcroît habilités à contrôler les cultures, les unités de transformation ainsi que les entrepôts de stockage.

«Nous voulons faire en sorte que les malades puissent bénéficier de médicaments de production nationale qui soient sûrs, de qualité et accessibles», a assuré le président Santos, en voyant là «aussi une opportunité pour favoriser la recherche scientifique» en Colombie.