Plusieurs milliers d'opposants ont manifesté mercredi à Port-au-Prince contre les résultats du premier tour de l'élection présidentielle du 25 octobre, qu'ils qualifient de «coup d'état électoral» au profit du pouvoir en place.

Selon les résultats publiés le 24 novembre par le conseil électoral provisoire (CEP), le second tour de l'élection présidentielle prévu le 27 décembre opposera Jovenel Moïse, candidat du parti au pouvoir, à Jude Célestin, du parti Lapeh.

Lors du scrutin du 25 octobre, Jovenel Moïse a recueilli 32,76% des suffrages quand son principal concurrent a obtenu 25,29%. Mais ces résultats sont profondément contestés par l'opposition qui dénonce l'ingérence de la communauté internationale, qui a fourni une aide de plus de 30 millions de dollars pour l'organisation de ces élections.

«On a conscience qu'on ne peut pas avancer sans l'aide des grands pays mais ils ne peuvent pas nous imposer des candidats et violer nos droits», s'insurge Pierre Jacquelin, un manifestant vivant dans un des quartiers défavorisés de la capitale.

Environ 2000 à 3000 personnes ont manifesté mercredi, l'un des plus importants cortèges depuis l'annonce des résultats du premier tour.

Un léger incident est survenu quand trois Casques bleus ont voulu traverser la foule: leur véhicule a été la cible de jets de pierre et ils ont été exfiltrés grâce à l'intervention de policiers haïtiens, qui ont fait usage de grenades lacrymogènes pour tenir la foule à distance.

Les accusations de fraudes se sont multipliées depuis le scrutin et l'organisation du second tour de la présidentielle le 27 décembre semble incertaine face aux nombreuses contestations.

Mardi, le Sénat (composé d'un tiers seulement de ses membres, en raison du retard pris sur le calendrier électoral) a écrit au président de la république Michel Martelly pour demander «que soit suspendu le processus électoral jusqu'à ce qu'une commission de vérification ou d'évaluation fasse la lumière sur les nombreuses allégations de fraudes».

Une telle commission d'enquête est réclamée depuis un mois par l'opposition et est soutenue par Jude Célestin.

Dans une lettre adressée au CEP le 15 décembre, celui-ci affirme que «la commission d'évaluation est le passage obligé pour sauvegarder le processus électoral, en garantir l'intégrité et empêcher le pays de sombrer dans une crise sans précédent».

Le temps presse pour qu'Haïti puisse garantir le maintien de l'ordre constitutionnel: la passation de pouvoir entre Michel Martelly, que la constitution interdit d'effectuer deux mandats consécutifs, et son successeur doit se tenir le 7 février 2016.

Depuis la fin de la dictature des Duvalier en 1986, Haïti connaît une crise démocratique émaillée de coups d'État et d'élections contestées qui fragilisent le développement économique du pays encore marqué par le terrible séisme de janvier 2010 qui avait fait plus de 200 000 morts.