Les Colombiens ont voté dimanche au premier scrutin local organisé depuis le début des négociations de paix entre le gouvernement et la guérilla des Farc, et lors duquel la gauche a perdu Bogota.

À l'issue des élections, le président colombien Juan Manuel Santos a lancé un «appel à l'unité».

«Je vous invite tous, et je dis bien tous, à continuer à avancer vers la fin du conflit, vers une paix juste et durable», a-t-il déclaré en soulignant que «dans un maximum de 148 jours, nous devons mettre fin à ce conflit armé», qui déchire ce pays depuis plus d'un demi-siècle.

Le ministre de l'Intérieur Juan Fernando Cristo a fait état de «la journée électorale sans doute la plus tranquille, la plus pacifique et la plus sûre de l'histoire de la Colombie».

La mairie de Bogota, que la gauche a perdue, était l'autre enjeu important de ce scrutin local, le premier depuis le début, en novembre 2012 à Cuba, des pourparlers entre le gouvernement de M. Santos, réélu l'an dernier, et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), première guérilla du pays.

Le gouvernement et les Farc ont convenu en septembre de signer un accord de paix définitif d'ici le 23 mars pour mettre fin à une guerre complexe.

Ce conflit qui, au fil des décennies, a impliqué insurrections paysannes, guérillas d'extrême gauche, paramilitaires d'extrême droite, forces armées et narcotrafiquants a fait au moins 220 000 morts, six millions de déplacés et des dizaines de milliers de disparus.

Un ancien maire réélu à Bogota 

Quelque 34 millions d'électeurs devaient désigner, pour quatre ans, les gouverneurs et députés des 32 départements du pays, ainsi que les maires et conseillers municipaux des 1102 communes.

La bataille pour la capitale, mandat le plus important du pays après la présidence de la République, a été l'un des points forts de la campagne, ouverte le 25 juillet.

La gauche, très critiquée notamment pour l'insécurité et le chaos des transports dans cette ville de huit millions d'habitants dépourvue de métro, a perdu ce bastion qu'elle détenait depuis 12 ans en dépit de scandales de corruption.

L'économiste de centre-droit Enrique Peñalosa, 61 ans, déjà maire de 1998 à 2001, a été élu avec 33,10% des voix pour succéder à Gustavo Petro, ex-guérillero du M-19 (dissout). «Notre gestion sera pour tous, sans exclusion, pour tous les citoyens qui veulent travailler pour Bogota», a-t-il déclaré sous les vivats de ses partisans.

Parmi ses adversaires, l'ancien ministre Rafael Pardo du Parti libéral a recueilli 28,50%, Clara Lopez du Pôle démocratique (gauche) 18,26%, Francisco Santos, du Centre démocratique de l'ex-président et sénateur Alvaro Uribe, féroce opposant au processus de paix, 12%.

La surprise est venue de Medellín, deuxième ville du pays avec 2,5 millions d'habitants où le poulain de M. Uribe, Juan Carlos Velez (34,3%), donné favori, était devancé par le centriste Federico Andrés Gutierrez (35,6%), selon plus de 97% des bulletins dépouillés. À Cali, c'est un chef d'entreprise, Maurice Armitage, qui l'emportait avec environ 38,9% des suffrages.

Quelques incidents ont toutefois marqué la campagne avec un total de 113 interpellations pour délits électoraux, dont 26 candidats. La police a aussi fait état de 204 armes à feu saisies dimanche à travers le pays, où avaient été déployés quelque 400 000 policiers et militaires.

Avant l'ouverture du scrutin, un soldat a par ailleurs été tué dans le département d'Antioquia (nord-ouest) lors d'une attaque de l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste), seconde guérilla de Colombie, qui a entamé en janvier un «dialogue exploratoire» à des négociations de paix avec le gouvernement.

La violence «a aujourd'hui les caractéristiques d'un pays en transition de post-conflit», a souligné le Centre de ressources pour l'analyse des conflits (Cerac), en la liant davantage au crime organisé qu'aux acteurs traditionnels du conflit.

De son côté, l'ONG Mission de consultation électorale (MOE) a enregistré «847 rapports de possibles irrégularités et délits électoraux» au cours de ce scrutin.