La présidente brésilienne de gauche Dilma Rousseff, déjà au plus bas dans les sondages, a subi deux cinglants camouflets en 24 heures qui fournissent des munitions aux partisans de sa destitution et vont la fragiliser un peu plus.

Le Tribunal des comptes de l'Union (TCU) a préconisé mercredi soir aux parlementaires brésiliens de rejeter les comptes publics de l'État de 2014 au motif qu'ils auraient été sciemment entachés d'irrégularités.

Mardi soir, le Tribunal supérieur électoral (TSE) avait ouvert le feu en relançant une enquête sur la campagne présidentielle de 2014 ayant abouti à la réélection disputée de Mme Rousseff, sur fond d'accusations par l'opposition de financement illicite en marge du vaste scandale de corruption qui éclabousse le géant public pétrolier Petrobras.

Les issues des deux procédures sont incertaines. Il est fort possible qu'elle ne débouchent finalement sur rien.

Mais les deux épées de Damoclès qui viennent de se matérialiser au-dessus de la tête de la présidente vont empoisonner un peu plus le climat politique au Brésil, au moment où le géant émergent d'Amérique latine est embourbé dans une sévère récession économique.

Dans le cas le plus défavorable pour Mme Rousseff et le Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir depuis 2003, la justice électorale pourrait finir par invalider l'élection de Mme Rousseff et de son vice-président Michel Temer, ce qui déboucherait sur la convocation d'un nouveau scrutin.

Sur l'autre front, au cas où le Congrès (députés et sénateurs) ferait aboutir une procédure de destitution motivée par le maquillage des comptes publics, c'est le vice-président Michel Temer qui assumerait le pouvoir jusqu'aux prochaines élections de 2018.

M. Temer est membre de l'incontournable mais très frondeur allié parlementaire du PT, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre).

Parallèlement, le président du Congrès des députés (PMDB), Eduardo Cunha, adversaire juré de la présidente malgré son affiliation politique, étudie ces jours-ci plusieurs demandes de destitution de la présidente.

C'est à lui qu'il appartient de les filtrer en les classant sans suite ou en les soumettant à l'appréciation de la chambre basse.

Mercredi soir, pour la première fois depuis 1936 au Brésil, le TCU a adopté à l'unanimité un rapport non-contraignant préconisant aux parlementaires de rejeter les comptes publics présentés par le gouvernement pour 2014.

«Les comptes ne sont pas en état d'être approuvés. Nous recommandons leur rejet par le Congrès national», a déclaré Augusto Nardes, le rapporteur de cette juridiction chargée de contrôler la régularité des comptes publics.

Ressouder sa majorité 

Les membres du TCU ont ainsi validé les arguments de l'opposition de droite selon lesquels le gouvernement a sciemment maquillé les comptes pour minorer l'ampleur des déficits publics en pleine année électorale.

Il aurait notamment fait supporter temporairement par des organismes publics certaines dépenses courantes incombant à l'État et d'autres dépenses excédant celles adoptées par le parlement lors du vote du Budget, pour un total de 41 milliards de réais (9,3 mds USD).

De telles pratiques sont en infraction avec la Loi de responsabilité budgétaire et la Constitution brésiliennes.

Selon les opposants de Dilma Rousseff, elles peuvent caractériser un «crime de responsabilité» de la présidente, l'un des motifs prévus par la Constitution pour la destitution du chef de l'État.

Le rapport du TCU ne sera soumis au vote du Congrès (députés et sénateurs réunis en plénière) qu'au terme d'un périple parlementaire assez long, très probablement pas avant début 2016.

Pour tenter de ressouder sa majorité en lambeaux et éloigner par avance le spectre d'une destitution, Mme Rousseff avait remanié en profondeur son gouvernement la semaine dernière, en faisant la part belle à ses alliés incontrôlables du PMDB.

Elle cherchait également par cette manoeuvre à mettre fin à la guérilla parlementaire permanente contre son douloureux programme de coupes budgétaires, impopulaire jusque dans son propre camp.

L'effet escompté est loin de s'être produit pour le moment. La présidente a en effet subi mardi et mercredi deux cuisants revers sur le front parlementaire. Elle espérait que sa majorité approuverait ses vétos à des mesures impliquant 23,5 milliards de réais de dépenses supplémentaires en 2016, en pleine contradiction avec ses efforts d'austérité.

Mais de nombreux députés de sa coalition ont pratiqué la politique de la chaise vide, empêchant que le quorum nécessaire au vote ne soit réuni.