La présidente brésilienne de gauche, Dilma Rousseff, en grande difficulté, a annoncé vendredi un profond remaniement gouvernemental pour tenter de ressouder une majorité éclatée afin d'éloigner le spectre d'une destitution et faire adopter son programme d'austérité.

En resserrant son gouvernement de 39 à 31 portefeuilles, Mme Rousseff a fait la part belle à son incontournable, mais très indiscipliné allié parlementaire, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre droit), en lui confiant sept ministères.

Le PMDB, première force au Congrès avec 66 députés qui ont infligé de sérieux revers à la présidente au premier semestre, décroche la Santé, le plus richement doté des ministères.

Ce remaniement vise à «garantir la stabilité politique dont le pays a besoin pour renouer avec la croissance économique», a expliqué Mme Rousseff, toute de blanc vêtue.

Il est marqué par le retour à certains postes clés de proches du mentor de Dilma Rousseff, l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), qui pourrait se présenter de nouveau à la présidence en 2018 sous les couleurs du Parti des travailleurs (PT, gauche).

Leonardo Piciani, leader du PMDB à la chambre des députés, s'est félicité que son parti «obtienne avec ce remaniement une taille compatible avec la représentativité qu'il a» au Congrès.

Mais le leader de l'opposition au Sénat, Cássio Cunha Lima (PSDB), a estimé «qu'il ne promeut aucune réduction allant dans le sens d'un équilibre budgétaire et aggrave le manque de crédibilité du gouvernement».

«Une répartition a été faite pour tenter d'échapper à l'impeachment», a-t-il souligné.

Jaques Wagner, proche de Lula, quitte la Défense pour rejoindre le poste stratégique de chef de la Maison civile (fonction à cheval entre chef de cabinet et premier ministre, NDLR), remplaçant Aloisio Mercadante, bras droit de Dilma Rousseff.

Ce remaniement a pour objectif «de diminuer le risque d'une procédure de destitution au Congrès. Elle cherche à s'assurer le soutien du PMDB», confirme Ricardo Ribeiro, analyste politique chez MCM Consultores.

Ravie, la Bourse de Sao Paulo a clôturé sur un rebond de 3,79%, à 47 033 points.

«Ces mesures veulent répondre aux demandes des marchés», a commenté auprès de l'AFP Paulo Gomes, économiste-chef chez AZ Futura Invest. Une d'elles, emblématique, réduit les salaires des ministres et de la présidente de 10%.

Reprendre la main 

Dilma Rousseff, 67 ans, tente de reprendre la main après avoir vu sa popularité s'effondrer depuis le début de son second mandat en janvier, sous les effets d'une triple crise économique, politique et liée à la corruption.

Elle est accusée par le principal parti d'opposition, le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB - centre gauche) d'avoir maquillé les comptes publics en 2014 en faisant financer provisoirement des programmes sociaux gouvernementaux par des institutions financières publiques, ce qui est interdit par la loi.

Le Tribunal des comptes de l'État (TCU) est saisi d'une enquête qui pourrait entraîner, en octobre ou novembre, en fonction de ses conclusions, l'ouverture d'une complexe et aléatoire procédure de destitution de la présidente.

Le Tribunal suprême électoral doit par ailleurs juger cette année si les comptes de la dernière campagne électorale de Mme Rousseff n'ont pas été pollués par des pots-de-vin ayant émané des caisses de la compagnie pétrolière publique Petrobas, de quoi entraîner une éventuelle annulation de la présidentielle de 2014 et la convocation d'une élection anticipée.

«Si la présidente arrive à éloigner ce risque de destitution, ce sera un premier pas fondamental», estime Ribeiro.

La manoeuvre va-t-elle fonctionner? De premiers éléments de réponse viendront du Congrès des députés dans les prochains jours.

Celui-ci doit notamment avaliser ou invalider les vetos de Dilma Rousseff à certaines mesures coûteuses allant à l'encontre de ses efforts de réduction des déficits budgétaires, comme une importante augmentation des salaires des fonctionnaires de justice.

Le président du Congrès des députés, Eduardo Cunha (PMDB), devenu ces derniers mois le plus farouche adversaire de Dilma Rousseff, examine une dizaine de demandes de procédures de destitution à l'encontre de la présidente. Il en a encore rejeté deux jeudi soir.

C'est à lui qu'il appartient de les filtrer en les classant sans suite ou en les soumettant au vote des députés.

Mais Eduardo Cunha a récemment vu son étoile pâlir.

D'abord parce que Dilma Rousseff a réussi à le contourner en obtenant la collaboration du PMDB à son remaniement ministériel.

Ensuite parce que le scandale Petrobras est en train de le rattraper à grands pas. Le parquet fédéral, qui le soupçonne d'avoir reçu cinq millions de dollars de pots-de-vin, a réclamé en août des poursuites contre lui.