Aux premières averses, Eleuterio Flores s'est dépêché d'ensemencer ses terres. Mais il a tout perdu car il n'a pas plu depuis. Ce modeste paysan de 74 ans est l'un des 400 000 Honduriens privés de tout moyen de subsistance en raison de la sécheresse en Amérique centrale.

En raison du manque d'eau, toutes les cultures de subsistance ont dépéri à Texiguat, localité isolée perdue dans les montagnes à 100 kilomètres au sud de Tegucigalpa. Texiguat se trouve en plein «couloir sec», une zone du littoral Pacifique qui court du Guatemala jusqu'au Panama et touchée par une sécheresse sévère provoquée par le phénomène climatique El Niño.

La saison des pluies en Amérique centrale dure normalement de mai à novembre. Les paysans profitent des premières précipitations pour semer maïs, haricot et riz, aliments de base dans la région. Mais cette année, il n'a pas plu depuis des mois. Et 2014 avait déjà été une année très sèche.

Au Honduras, la sécheresse a déjà provoqué la perte de 15% de la production des 100 000 hectares plantés en maïs et 12% des 25 000 ha de haricots, selon le ministère de l'Agriculture et de l'élevage.

Au Guatemala, quelque 300 000 familles sont touchées par le manque d'eau, 100 000 au Salvador. Au Costa Rica, des centaines de têtes de bétail sont mortes dans le nord du pays et les exportations agricoles ont déjà chuté de 250 millions de dollars cette année.

Protégé du soleil par un chapeau noir aux rebords blancs, portant une chemise bleue élimée et des jeans sales, Eleuterio montre sa parcelle de cinq hectares désespérément stérile : «Il n'a pas plu du tout». «Il n'y a rien à manger, les récoltes sont perdues», poursuit cet homme fin au pommettes saillantes, marié et père de quatre enfants désormais adultes, qui dépend aujourd'hui des aides du gouvernement pour survivre.

«Calamité sans précédent»

Des 12 000 habitants de la commune de Texiguat, unique plaine d'une zone montagneuse aride, 80% vivent en extrême pauvreté, selon le maire Lindolfo Campos. Un chiffre qui dépasse la moyenne déjà désastreuse de 76% des 8,6 millions de Honduriens touchés par la pauvreté, dont 54% vivent carrément dans la misère.

Dans le bâtiment colonial qui abrite la mairie, M. Campos se charge de distribuer la «bourse solidaire», un colis de sept kilos de nourriture fourni épisodiquement par le gouvernement à 83 200 familles touchées par la sécheresse dans 10 des 18 provinces du pays.

«Nous sommes face à une calamité sans précédent», déplore l'édile, tandis qu'il reçoit deux jeunes filles descendues d'un hameau voisin constitué de maisons en terre. «Nous sommes venues pour qu'on nous aide, nous n'avons rien à manger», se lamente Lesly Vasquez, 16 ans, accompagnée de sa soeur Ana, 15 ans.

M. Campos les guide jusqu'à une réserve derrière la mairie, où il leur remet un sac contenant farine de maïs, beurre, pâtes, café entre autres. «Entre 80 et 100 personnes viennent chaque jour, il faut répondre aux gens», explique-t-il résigné.

Le maire ne sait pas combien de temps va durer la sécheresse, mais il assure que le ministère de l'Agriculture aidera pour les semis quand la météo le permettra.

Réunis au sein de l'Institut interaméricain de coopération pour l'agriculture (IICA), des experts recommandent des mesures urgentes car El Niño pourrait constituer «l'événement le plus grave qui ait affecté la région au cours des deux dernières décennies».

Selon Roger Torres, représentant de la Commission permanente des urgences (Copeco), les autorités ont conçu un plan d'action pour garantir la sécurité alimentaire car selon certains météorologues, 2015 pourrait donner lieu à la pire sécheresse observée depuis 48 ans dans le «couloir sec».

Ce plan comprend la distribution de la «bourse solidaire» et de semences, une vigilance épidémiologique et sanitaire ainsi que des aides pour cultiver des potagers et un programme «travail contre nourriture» afin de construire des logements.

«On va voir comment on peut faire, si jamais il pleut... parce que nous vivons tous de la terre, ici», confie Eleuterio, pessimiste.