Même si le processus de paix en Colombie a connu ces derniers jours des avancées décisives, le chemin reste semé d'embûches, surtout politiques, avant de mettre fin au conflit armé le plus ancien d'Amérique latine, estiment des experts.

Lundi, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), principale rébellion du pays, entament un cessez-le-feu unilatéral, au départ annoncé pour un mois, mais d'ores et déjà porté à quatre, selon le président Juan Manuel Santos.

Quatre mois, c'est justement le délai que s'est donné le dirigeant de centre droit pour décider s'il poursuivrait le processus de paix, en fonction de l'attitude de la guérilla marxiste.

Celle-ci vient de signer un accord historique avec le gouvernement, prévoyant une réduction des opérations de l'armée pour la première fois depuis l'ouverture des pourparlers fin 2012 à Cuba et ouvrant la voie à un possible cessez-le-feu bilatéral, jusque-là rejeté par les autorités en l'absence d'un accord de paix.

Mais pour Victor de Currea, professeur de l'université Javeriana et expert sur le conflit armé colombien, le principal obstacle est désormais le manque de volonté politique.

«Il est vrai que le territoire colombien est compliqué, par sa géographie, par les différents fronts», ouverts par les Farc et l'Armée de libération nationale (ELN), deuxième rébellion du pays, mais «ce n'est pas impossible» de parvenir à une fin des hostilités sur le terrain, observe-t-il.

«La grande difficulté, c'est le programme politique», estime-t-il.

Sergio Jaramillo, Haut commissaire pour la paix et membre des équipes de négociation à La Havane, a rappelé cette semaine la grande méfiance de l'exécutif à ce sujet.

«Le gouvernement n'est pas disposé à (accepter) un cessez-le-feu bilatéral prématuré et médiocre, qui nous mènerait aux expériences néfastes du passé», a-t-il dit.

Car les trêves précédentes observées par la guérilla se sont succédé depuis les années 1980, à chaque fois sans succès. Dernier exemple en date, le cessez-le-feu unilatéral des Farc entamé en décembre dernier, puis rompu en mai avec une série d'attaques de chaque camp.

«L'avenir juridique» des guérilleros

Mais la perspective d'un cessez-le-feu bilatéral commence à faire corps : un accord sur ce point est possible, selon le chef de l'équipe gouvernementale de négociations, Humberto de la Calle, mais avec «certaines caractéristiques».

«Il faut une vérification et une surveillance avec des représentants internationaux», ainsi qu'un regroupement des guérilleros dans des zones précises du pays, a-t-il estimé lundi.

Car l'avantage stratégique de la guérilla, «avec 8000 combattants contre 500 000 (membres des forces armées, ndlr), c'est sa mobilité. Si elle se concentre (dans quelques zones), la guerre se termine», assure Christian Voelkel, dugroupe de réflexion International Crisis Group en Colombie.

Avant de parvenir à un tel apaisement sur le terrain, il reste à traiter les questions épineuses encore à l'agenda des négociations de Cuba, notamment celle du traitement judiciaire pour les guérilleros lâchant les armes.

La trêve bilatérale à laquelle le gouvernement se dit désormais disposé «n'est pas viable pour les Farc tant que l'avenir juridique de ses chefs n'est pas clair, ni le traitement des dirigeants intermédiaires, ni les possibilités de réintégration des simples combattants», explique M. Voelkel.

En attendant, l'attitude de la rébellion sur le terrain, en contraste avec ses messages de bonne volonté, a de quoi déconcerter : jeudi, trois attaques attribuées aux Farc, notamment contre des infrastructures pétrolières, ont encore eu lieu dans le sud-ouest du pays.

Et les analystes s'accordent sur le fait qu'un accord de paix signé avec cette guérilla aurait peu de valeur sans rapprochement entre le gouvernement et l'ELN, l'autre rébellion colombienne, avec qui seuls des «contacts exploratoires» ont été engagés.

Le conflit armé en Colombie a fait officiellement en un demi-siècle quelque 220 000 morts et provoqué le déplacement de six millions de personnes.