Les recherches se poursuivaient lundi matin pour tenter de retrouver le baron mexicain de la drogue Joaquin «El Chapo» Guzman après son évasion d'une prison à haute sécurité grâce à un tunnel, un coup dur porté au président Enrique Peña Nieto.

Une vaste chasse à l'homme a été lancée dès sa disparition samedi soir de la prison d'Altiplano, à 90 kilomètres à l'ouest de la capitale, mais pour l'heure le vaste dispositif militaire et policier n'a pas permis de retrouver le fugitif.

Des enquêteurs ont interrogé une trentaine de fonctionnaires travaillant dans la prison à la recherche d'éventuelles complicités internes.

Pour le puissant chef du cartel de Sinaloa, il s'agit de la deuxième évasion réussie d'une prison à haute sécurité en 14 ans.

Samedi soir, après avoir constaté sa disparition sur les écrans de surveillance, les gardiens se sont rendus dans sa cellule. Ils ont découvert, sous la douche, un trou et une échelle conduisant à un tunnel de plus de 1500 mètres de long, débouchant sur une demeure en construction au milieu d'un champ. Le tunnel était équipé d'un système de ventilation et une moto installée sur des rails servait à extraire la terre et acheminer du matériel, a indiqué le responsable de la sécurité nationale Monte Alejandro Rubido.

Les autorités ont diffusé une vidéo dans laquelle on distingue l'extrémité du tunnel située à l'intérieur de cette construction rudimentaire, où l'on aperçoit aussi un lit et une cuisine, laissant à penser qu'une personne vivait là.

«El Chapo», diminutif de «chaparro» («courtaud»), allusion à sa taille de 1,64 mètre, s'était déjà évadé d'une prison à haute sécurité en 2001, caché dans un panier à linge sale.

«S'il n'est pas capturé dans les 48 heures, il va pouvoir reprendre le contrôle total du cartel de Sinaloa», a indiqué à l'AFP Mike Vigil, ancien chef des opérations internationales au sein de l'agence antidrogue (DEA, Drug Enforcement Administration) aux États-Unis.

Selon l'expert, il sera très difficile de le retrouver s'il atteint l'État de Sinaloa, sa région natale, «et qu'il s'enfonce dans les montagnes», d'autant qu'«il bénéficie là-bas de la protection des villageois».

«Totalement impardonnable»

Le président mexicain Enrique Peña Nieto s'est dit «profondément consterné» dimanche par l'évasion de ce baron de la drogue et l'«affront à l'État» que cela représente.

«C'est un fait très regrettable qui a indigné et indigne la société mexicaine», a-t-il déclaré depuis l'ambassade du Mexique à Paris avant d'entamer lundi une visite d'État de quatre jours en France.

M. Peña Nieto s'est dit toutefois confiant dans les institutions pour «appréhender de nouveau» ce chef de groupe criminel.

À son arrivée au pouvoir, le jeune président s'était engagé à arrêter «El Chapo», devenu le symbole du narcotrafic, qui paraissait régulièrement sur la liste des hommes les plus riches du monde publiée par le magazine Forbes.

Sa tête avait été mise à prix 5 millions de dollars par les États-Unis et plus de 2,2 millions par le Mexique.

Après 13 ans de traque, des militaires étaient parvenus à le capturer lors d'un raid nocturne en février 2014 dans la station balnéaire de Mazatlan, dans l'État de Sinaloa.

Les autorités avaient alors exhibé devant les caméras ce petit homme moustachu, en chemise blanche, entouré de deux soldats de la Marine mexicaine.

Plusieurs juges américains avaient demandé son extradition, mais les autorités mexicaines s'y étaient refusées, voulant le juger dans leur pays.

Dans une interview donnée alors à la télévision, M. Peña Nieto avait reconnu qu'une nouvelle évasion serait «totalement impardonnable».

Cette nouvelle évasion spectaculaire ternit donc l'image d'un président qui avait pourtant accumulé plusieurs succès notables contre les chefs de cartel en moins de trois ans.

Pour réaliser ce coup d'éclat, «El Chapo» a sûrement bénéficié «de très larges complicités internes et externes», a indiqué Raul Benitez Manaut, expert en sécurité au sein de l'Université autonome de Mexico (UNAM).

La ministre américaine de la Justice Loretta Lynch s'est dite «préoccupée» et a proposé «toute assistance qui pourrait aider à sa rapide capture».

Le cartel de Sinaloa a mené une guerre féroce contre les forces armées et contre les cartels rivaux, dont celui des Zetas, pour le contrôle du trafic de cocaïne vers les États-Unis.

Depuis 2006, plus de 80 000 personnes ont été tuées au Mexique dans les violences liées au trafic de drogue.

PHOTO MARCO UGARTE, ARCHIVES AP

Joaquin «El Chapo» Guzman est escorté par des marines mexicains en février 2014.