L'annonce par la guérilla colombienne des FARC d'un nouveau cessez-le-feu fait renaître l'espoir dans ce pays, déchiré par le plus vieux conflit armé d'Amérique latine, après un regain de tension ayant fortement fragilisé le processus de paix.

Contre toute attente, alors qu'elles multipliaient les attaques ces dernières semaines, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), principale rébellion du pays avec près de 8000 combattants selon les autorités, ont décrété mercredi une trêve unilatérale d'un mois, à partir du 20 juillet.

La guérilla d'extrême gauche, issue d'une insurrection paysanne en 1964, dit vouloir «créer des conditions favorables pour avancer (...) dans la mise en place d'un cessez-le-feu bilatéral et définitif». Elle a donné jeudi un nouveau gage de sa bonne volonté en réaffirmant sa «décision d'abandonner les armes» une fois la paix signée.

Du côté du gouvernement, les choses semblent aussi évoluer: après l'avoir longtemps écarté, il a ouvert la porte samedi dernier, pour la première fois, à un éventuel cessez-le-feu bilatéral.

Mais pour le président Juan Manuel Santos, la trêve unilatérale reste insuffisante, «il faut plus, surtout des engagements concrets pour accélérer les négociations» de paix menées à La Havane depuis fin 2012.

Le geste de la guérilla est déjà un premier pas, note Carlos Medina, professeur de l'Université nationale de Bogota, «une porte qui s'ouvre pour permettre la désescalade du conflit» après des semaines d'affrontements.

«Nous ne pouvons pas continuer ainsi à décourager l'enthousiasme dans le pays, car chaque acte de guerre fait perdre en crédibilité (au processus de paix, ndlr) et s'éloigner la population», explique M. Medina, membre du Centre de pensée et suivi du processus de paix des Nations Unies.

De récents sondages ont montré la lassitude des habitants. En juin, près de la moitié des Colombiens interrogés (47,5%) jugeaient que le gouvernement devait rompre les négociations, après la recrudescence des hostilités.

Ce regain de tension a entraîné la rupture de la première trêve unilatérale observée par les FARC, de décembre à mai.

«De l'oxygène» pour la paix

Dans ce climat, «le processus (de paix) était franchement détérioré et des nuages noirs menaçaient sa survie», raconte, à Cuba, un diplomate suivant les négociations, et avec cette nouvelle trêve, «le geste des FARC apporte de l'oxygène» aux pourparlers.

«Nous ne pouvons que saluer avec enthousiasme l'initiative des FARC, car elle ouvre un espace pour permettre au gouvernement de répondre avec des mesures effectives d'apaisement et éventuellement un cessez-le-feu bilatéral», dit cette source sous couvert d'anonymat.

Selon le Cerac, centre d'études spécialisé dans le conflit colombien, la violence des FARC en juin a été «la plus forte» depuis le début des négociations, avec 24 attaques contre la force publique, 21 contre des infrastructures énergétiques et la mort de plusieurs militaires et policiers.

Mais, comme le souligne son directeur Jorge Restrepo, même si cette trêve unilatérale «va probablement réduire la violence», ce n'est pas non plus la solution idéale.

«Il faudrait mieux discuter le plus tôt possible d'un cessez-le-feu bilatéral», estime-t-il. «Nous sommes dans la phase finale du processus de négociation, dont le programme de discussion est bientôt achevé, et il n'y a aucune raison de poursuivre la confrontation».

Or, une trêve unilatérale «reste une menace d'utiliser la violence», car les FARC se réservent le droit de répliquer en cas d'agression de l'armée.

Plusieurs faits sont venus rappeler vendredi cette menace : les FARC ont confirmé retenir en otage un lieutenant colombien porté disparu depuis mardi, tandis que de nouveaux combats entre la guérilla et l'armée ont tué deux militaires.

Jusqu'à présent, le gouvernement et la guérilla ont noué des accords sur trois des six points à l'agenda des négociations, lançant aussi un plan de déminage et une Commission de la Vérité.

Ils sont désormais proches d'un accord partiel autour de la réparation des victimes. Il leur restera alors deux questions épineuses: l'abandon des armes et les modalités de ratification d'un accord de paix final.

À la clé, l'espoir de résoudre, enfin, le plus ancien conflit d'Amérique latine, qui a fait en un demi-siècle au moins 220 000 morts et plus de cinq millions de déplacés, selon les chiffres officiels.