Le pape François entreprend dimanche un périple de huit jours sur son continent d'origine, en visitant trois pays «périphériques» d'Amérique latine marqués par les inégalités, la pauvreté et les lourds héritages des régimes autoritaires.

Du 5 au 12 juillet, le premier pape jésuite et latino-américain se rend en Équateur, en Bolivie et au Paraguay : le voyage le plus long depuis son élection en mars 2013, au cours duquel il prononcera 22 discours et prendra sept fois l'avion sur un parcours de 24 000 km.

«Je viens pour apporter la tendresse et la caresse de Dieu aux victimes de la culture du rejet», a affirmé François dans un message vidéo quelques jours avant son départ.

Quito et Guayaquil pour l'Équateur, La Paz et Santa Cruz pour la Bolivie, Asunción et Caacupé pour le Paraguay : le pape, âgé de 78 ans, «n'a pas eu la moindre incertitude» en choisissant un programme particulièrement intense, a expliqué son porte-parole, le père Federico Lombardi.

Il fera de nombreux déplacements en voiture découverte, désireux d'avoir un contact rapproché avec la population, par exemple dans le quartier déshérité Banado Norte à Asunción, malgré les risques encourus.

Jorge Bergoglio, qui a subi l'ablation d'un poumon quand il avait 20 ans, n'a pas exclu de mâcher des feuilles de coca pour mieux résister au mal des montagnes, quand il séjournera quelques heures à La Paz, à 3700 mètres d'altitude.

«Nous savons tous que le pape aime partager les coutumes locales», a commenté le père Lombardi.

Endiguer la concurrence des pentecôtistes

L'Église catholique latino-américaine, aujourd'hui concurrencée par la progression des pentecôtistes au style moins solennel, devrait accueillir avec enthousiasme François durant cinq messes en plein air. Des prières et des chants seront entonnés en langues indigènes guarani, quechua et amaira.

Des foules d'un à deux millions de personnes sont attendues à chaque fois.

Lors de la messe finale sur le terrain de Nu Guazu à Asunción, un million de fidèles venus d'Argentine, d'Uruguay et du Brésil devraient passer les frontières.

Le pape s'était rendu au Brésil en juillet 2013 pour les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). Il avait réuni près de trois millions de jeunes à Rio, mais ce voyage avait été déjà prévu sous le pontificat de Benoît XVI et n'était pas une visite pastorale.

Intégration du continent et «mouvements populaires»

François se présentera comme un pontife qui insiste beaucoup sur la doctrine sociale, et un peu moins sur la doctrine morale que ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI.

Le voyage a lieu quelques semaines après la publication de son encyclique «Laudato si'» sur la défense de «notre mère la terre», dans laquelle il s'en prend à la finance, au capitalisme sauvage, au pillage des ressources naturelles et au consumérisme.

Une encyclique où le premier pape du «Sud» exprime des valeurs très proches de celles des peuples amérindiens, qu'il défend avec vigueur.

Ce voyage sera aussi un acte de réconciliation avec l'histoire coloniale espagnole de la région. Il y évoquera notamment l'influence jésuite, marquée par la création entre le XVIe et le XVIIIe siècle de missions catholiques, où étaient regroupées les populations indigènes. Une tentative pour protéger et «civiliser» les Indiens avec ses pages héroïques et généreuses et ses pages très sombres.

Lors de son voyage, ce pape très politique aura des entretiens avec les présidents Rafael Correa (Équateur), Evo Morales (Bolivie), deux présidents progressistes catholiques, et Horacio Cartes (Paraguay) et plusieurs autres dirigeants, dont la présidente argentine Cristina Kirchner.

Gestes forts

Plusieurs moments particulièrement forts sont attendus : il se rendra dans une des prisons les plus tristement fameuses du continent, la prison Palmasola près de Santa Cruz, et s'entretiendra avec quelques-uns des 3000 détenus.

C'est également à Santa Cruz qu'il aura sa deuxième rencontre avec les «mouvements populaires» de base, catholiques et non catholiques, après une première au Vatican en 2014. Une occasion pour lui de prôner une Église plus dépouillée et mobilisée pour et avec les pauvres.

À La Paz, dans un geste hautement symbolique, il se recueillera sur le lieu où un jésuite espagnol engagé, le père Luis Espinal, avait été assassiné par des paramilitaires en 1980.