Connu pour son franc-parler, Jaime Rodriguez Calderon, alias «El Bronco», affirme vouloir combattre la corruption politique et il pourrait entrer dans l'histoire du Mexique s'il devient le premier candidat indépendant élu gouverneur dimanche.

Ingénieur agronome, propriétaire d'un ranch et donc souvent coiffé d'un chapeau de cow-boy, ce passionné de baseball est en tête de plusieurs sondages au Nuevo Leon, riche État industriel du nord du Mexique.

À 57 ans, M. Rodriguez espère profiter du mécontentement des Mexicains envers les partis traditionnels et met à profit une réforme qui depuis l'an dernier autorise des candidatures indépendantes.

Ancien maire, «El Bronco» (la grande gueule, NDLR) a milité durant trois décennies au sein du parti du président Enrique Peña Nieto (PRI), mais a rompu en octobre avec cette formation qui ne l'a pas désigné candidat pour ces élections de mi-mandat.

«Je veux être gouverneur pour changer le système», affirme-t-il dans une récente interview, truffée d'expressions populaires et de formules percutantes. «L'État de Nuevo Leon n'est pas mauvais. Ce qui est mauvais, ce sont ses dirigeants corrompus», ajoute-t-il.

Selon les estimations, le Parti révolutionnaire traditionnel (PRI) devrait conserver sa majorité à l'Assemblée en dépit des scandales politiques et des manifestations d'enseignants contre la réforme de l'éducation. Mais M. Rodriguez pourrait constituer la surprise de ces élections visant à désigner des députés fédéraux, des gouverneurs et des conseillers municipaux.

Un sondage publié cette semaine par le quotidien Reforma lui attribue 42% des voix, loin devant les candidats du PRI, Ivonne Alvarez (29%), et du Parti conservateur action nationale (PAN), Felipe Cantu (24%).

Assurant avoir dépensé bien moins que les trois millions de dollars prévus pour les campagnes indépendantes, «El Bronco» a investi les réseaux sociaux pour renforcer son image de candidat alternatif.

Deux tentatives d'assassinat

Ses détracteurs rappellent qu'après trente ans au PRI, il est un pur produit de la formation au pouvoir.

«Il n'a pas pu obtenir l'investiture du parti, alors il s'est lancé comme candidat indépendant», explique José Antonio Crespo, expert politique au Centre de recherches et d'enseignement économiques (CIDE).

S'il est élu, il devra en outre diriger un congrès local dominé par le PRI, «ce qui l'obligera à négocier pour gouverner», poursuit-il.

Une victoire de M. Rodriguez dimanche serait néanmoins «le reflet du mécontentement de la population à l'égard des partis traditionnels dans l'État de Nuevo Leon», souligne cet analyste.

«El Bronco» a gagné sa popularité à la mairie de Garcia, située en banlieue de Monterrey, où il a dû affronter entre 2009 et 2012 un cartel de narco-trafiquants ultra-violents, les Zetas.

Après avoir survécu à deux tentatives d'assassinat à cette époque, M. Rodriguez a aussi vécu l'enlèvement de sa fille de deux ans et la mort dans des circonstances suspectes d'un de ses fils.

Marié trois fois, sa vie privée a fait polémique durant la campagne, une de ses ex-épouses l'accusant de violences conjugales, ce qu'il a rejeté avec véhémence.

L'ancien président Felipe Calderón (2006-2012), membre du PAN, l'a pour sa part comparé au défunt président vénézuélien Hugo Chavez, affirmant qu'il pourrait finir lui aussi par créer un «gouvernement autoritaire». M. Rodriguez a rétorqué que l'ex-chef de l'État avait «probablement bu».

Pour certains analystes, «El Bronco» prépare en fait déjà sa candidature pour l'élection présidentielle de 2018.

Sécurité renforcée

Le gouvernement mexicain a déployé un dispositif militaire et policier pour tenter de garantir la sérénité du scrutin législatif et local convoqué dimanche et qui est menacé de perturbations par des enseignants mobilisés contre une réforme de l'Éducation.

Le gouvernement a «mis en place une opération nationale dans l'objectif de garantir aux citoyens les conditions nécessaires à l'exercice de leur vote», a indiqué le ministère de l'Intérieur dans un communiqué publié vendredi soir.

Un total de 83 millions de Mexicains sont appelés à désigner dimanche 500 députés fédéraux et neuf gouverneurs sur 32 États - dont ceux du Michoacán (ouest) et Guerrero (sud), parmi les plus violents du pays -, ainsi que 900 conseils municipaux.

Ces scrutins seront également un test pour le président Enrique Peña Nieto (2012-2018), dont le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) pourrait conserver une majorité simple à l'Assemblée, selon les sondages pré-électoraux.

Le ministère de l'Intérieur n'a pas précisé le nombre d'hommes mobilisés pour assurer la sécurité de cette journée, mais indiqué que les efforts se concentreront dans l'État de Oaxaca (sud), où les enseignants radicalisés sont fortement mobilisés depuis presque une semaine.

Entre autres actions, les protestataires ont envahi des bureaux électoraux, brûlé des milliers de bulletins de vote, bloqué un centre de distribution d'essence, provoquant une pénurie de carburant dans la région, ainsi que les accès à une centrale hydroélectrique.

Les manifestants exigent le retrait d'une réforme de l'Éducation qu'ils accusent de rogner sur leurs droits.

Samedi, 1500 membres des forces de l'ordre sont arrivés à Oaxaca, en renfort des 3000 policiers locaux déjà déployés localement.

Les autorités se sont toutefois voulues rassurantes concernant des éventuelles violences provoquées par les groupes criminels qui pullulent dans le pays.

«Je ne vois aucun lien» entre le crime organisé et les élections, «les problèmes sont des mobilisations sociales», a affirmé ces derniers jours à l'AFP Monte Alejandro Rubido, responsable national à la Sécurité du gouvernement mexicain, qui répète que la violence a diminué par rapport au mandat de l'ex-président Felipe Calderon (2006-2012).