Ils ne connaissent rien à la politique. Ils viennent de la télévision, du monde du spectacle ou du sport. Ce sont les candidats mexicains qui veulent évincer les politiciens traditionnels aux élections législatives et locales du 7 juin. Face aux électeurs dégoûtés par les scandales de corruption, ils exhibent leur manque d'expérience comme un gage d'honnêteté.

À deux semaines des prochaines élections, les candidatures de célébrités locales font sensation au Mexique. Ces personnages, parfois hauts en couleur, incarnent l'antithèse des politiciens professionnels, dont l'image est écornée par les affaires de corruption qui ont touché tous les partis et toutes les régions du pays.

Le 7 juin, les Mexicains éliront 500 députés fédéraux, 9 gouverneurs et 871 maires. Dans les États en proie à la violence des cartels de narcotrafiquants, trois candidats à des mandats locaux ont été assassinés ces dernières semaines.

Dans ce panorama délicat, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Enrique Peña Nieto, qui atteint la moitié de son sextennat, reste le grand favori dans les sondages. Jean-François Prud'homme, politologue au Colegio de México, un prestigieux centre de recherche, analyse: «L'électorat mexicain est assez conservateur. La situation d'insécurité fait qu'il cherche des valeurs sûres, réconfortantes.» Même si les partis ont une image extrêmement négative, d'après ce spécialiste, l'électeur se méfierait des aventures hasardeuses.

Or, entre les candidats extravagants et les professionnels, certains ne voient pas de différence. «Quelle est la nouveauté? Nous avons toujours été gouvernés par des clowns!», commente un internaute sur Sin Embargo, une revue d'opinion en ligne.

Quant aux analystes, tout en déplorant ce qu'ils qualifient de «cirque électoral» ou de «dérive frivole», ils reconnaissent à ces candidats le mérite d'exhiber les carences de la classe politique. «Le simple fait d'envoyer les partis dans les cordes constitue une bonne nouvelle», écrit l'éditorialiste Jorge Zepeda au sujet des candidats alternatifs qui grimpent dans les sondages. Les commentateurs politiques s'interrogent cependant sur l'adjectif «citoyen» que s'approprient certains de ces postulants qui s'affichent aux couleurs de grands partis, alors que d'autres se présentent comme indépendants.

Car, pour la première fois, les candidatures indépendantes sont autorisées. Dans ce contexte exceptionnel de violence, corruption et politique-cirque, certains qualifient déjà le scrutin du 7 juin d'«élections intermédiaires les plus importantes de l'histoire du Mexique».

QUELQUES NOMS : 

Cuauhtémoc Blanco, le footballeur

Du gazon des stades aux rencontres électorales, il n'y a qu'un bond, que Cuauhtémoc Blanco a fait le 21 avril. Ce soir-là, l'astre du soccer mexicain raccrochait les crampons et endossait son costume de candidat à la mairie de Cuernavaca. Dans cette ville au sud de Mexico, il est acclamé en héros par des électeurs qui évoquent ses buts spectaculaires. «Les politiciens n'ont pas de coeur», dénonce l'ancien sportif, à la réputation de «gentil». Lors d'un rassemblement, Blanco a récemment appelé à voter pour un parti adverse, oubliant le nom de la petite formation politique dont il défend les couleurs.

Lagrimita, le clown

«Il est temps qu'un vrai clown gouverne»: Guillermo Cienfuegos, alias «Lagrimita» (Petite larme), n'avait éprouvé aucune difficulté à trouver son slogan de campagne dans sa course à la mairie de Guadalajara, la deuxième ville du pays. C'est l'un des clowns les plus populaires de la télévision mexicaine. «Sincèrement, je ne connais rien à la politique», a reconnu Lagrimita, avant de s'engager dans une bataille avec les institutions électorales, qui ont refusé de valider sa candidature. Au Mexique, la présence de clowns-candidats est récurrente sur les listes électorales depuis plusieurs années.

Carmen Salinas, l'actrice

«La politique est venue à moi comme un nouveau scénario», a l'habitude de répéter la populaire comédienne Carmen Salinas. À 81 ans, au terme d'une longue carrière au théâtre et dans les telenovelas, elle prétend devenir une députée-citoyenne... pour le compte du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui occupe la présidence et dispose d'une majorité au Congrès. Ses nombreuses amitiés au sein du PRI l'ont encouragée à se lancer en politique. Mais la candidature de «Carmelita», peu admirée par les jeunes générations, a provoqué une vague de critiques et de sarcasmes sur les réseaux sociaux.

«El Bronco», le cow-boy

Certains politiciens de carrière exploitent la mode de l'antipolitique en se construisant un personnage. Ainsi, dans l'État du Nuevo León, Jaime Rodríguez «El Bronco», (la Brute), un ancien cadre du PRI, fait campagne en indépendant pour devenir gouverneur, séduisant l'électorat avec son style délibérément primitif de cow-boy. Il abreuve les réseaux sociaux de messages en argot populaire, parsemés de fautes d'orthographe. En tête dans les sondages, il critique la politique qu'il a servie pendant plus de 30 ans et réécrit l'histoire: «J'ai toujours été un rebelle, jamais un politicien».

Narcocomédiens et gourou

À Tijuana, dans le nord, l'acteur et chanteur Bernabé Meléndrez, candidat à un siège de député fédéral dans les rangs du PRI, pose, un fusil d'assaut doré à la main. Il est d'ailleurs surnommé «El Gatillero» (La Gâchette), pour avoir joué dans plusieurs narcofilms. Ces films à la gloire des narcotrafiquants ont aussi eu pour vedette Claudia Casas, également candidate à Tijuana. Quant au médecin Abel Cruz, un guérisseur en costume blanc qui exerce dans une émission télévision, il promet de «s'occuper de la santé du pays». Remède prescrit: «l'amour et la famille».