La Colombie a repris le chemin de la guerre avec des bombardements massifs contre la guérilla marxiste des FARC, illustrant la fragilité d'un processus de paix sans trêve armée, au grand dam de la communauté internationale.

Les délégations du gouvernement et des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) mènent des pourparlers tendus, délocalisés à Cuba depuis novembre 2012, pour résoudre le plus vieux conflit d'Amérique latine, qui a fait officiellement 220 000 morts en plus d'un demi-siècle.

En l'espace d'une semaine, une quarantaine de guérilleros, dont un dirigeant issu de l'état-major des FARC et un ancien négociateur de paix, ont été abattus dans des raids lancés en représailles à une embuscade qui avait coûté la vie à onze militaires le mois dernier.

Plongé dans un «processus de paix en pleine tempête», le président Juan Manuel Santos, qui avait prôné une «désescalade», a depuis adopté un ton martial. Il a exhorté l'armée à «ne pas baisser la garde» face à la levée du cessez-le-feu instauré par les FARC depuis six mois.

«Il n'y a pas vraiment de contradictions dans cette stratégie. Santos considère que si les FARC ne sentent pas de pression militaire, ils vont continuer à prolonger les négociations à l'envi», explique, dans un entretien à l'AFP, Vincente Torrijos, professeur en sciences politiques à l'Université du Rosario à Bogota.

Les derniers combats entre l'armée et la rébellion, survenus jeudi dans l'Arauca, une région pétrolifère près du Venezuela, ont fait six nouveaux morts, trois dans chaque camp.

Depuis La Havane, les représentants de la guérilla ont relancé leur campagne en faveur d'un armistice, une option rejetée par le chef de l'État avant un accord définitif. La délégation des Farc a dénoncé une volonté de «discuter au milieu de la confrontation jusqu'au dernier jour».

Une lueur d'espoir est apparue vendredi avec l'annonce du lancement du plan de déminage réalisé conjointement par le gouvernement et la guérilla en Colombie, pays le plus touché au monde par le fléau des mines antipersonnel après l'Afghanistan (plus de 2000 morts et 9000 blessés depuis 1990).

La crise actuelle démontre que les FARC «n'ont pas l'intention de rompre le dialogue, mais d'obtenir un cessez-le-feu bilatéral à tout prix afin d'avoir plus de marge de manoeuvre sur le terrain», décrypte M. Torrijos.

«Rôle crucial» de la communauté internationale

Forte d'environ 8000 combattants, repliés dans les régions rurales, la rébellion a obtenu un appui de poids à l'étranger.

Les pays garants des pourparlers, Cuba et la Norvège, d'habitude discrets sur la scène publique, ont lancé un appel afin de «poursuivre les efforts» de paix en vue de «l'adoption d'un accord pour un cessez-le-feu bilatéral définitif».

Avant le déplacement du président Santos à Bruxelles, l'Union européenne, qui accueillera son sommet annuel avec la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC), a aussi manifesté son inquiétude.

«Les plans de Santos qui voulait y apparaître comme un grand pacificateur vont être un peu bouleversés», ironise auprès de l'AFP un diplomate européen à Bogota.

L'UE, qui a créé à la fin de l'année dernière un fonds spécial pour financer le post-conflit colombien, exige désormais «des mesures concrètes afin d'apaiser la situation sur le terrain».

«La communauté internationale, à laquelle se réfèrent tant le gouvernement que les FARC, joue un rôle crucial dans ce contexte de crise», affirme à l'AFP l'historien Carlos Medina, du Centre de réflexion et de suivi du conflit.

«Elle doit donner de la voix pour empêcher la reprise des instruments de la guerre», estime cet expert, selon qui l'opposition interne en Colombie a «incité le chef de l'État à renouer avec les bombardements» temporairement suspendus.

Les précédentes tentatives de négociations avec la guérilla, dont la dernière remonte à plus de dix ans, ont toujours avorté après des faits d'armes.

Craignant une «spirale de violence impossible à arrêter dans les prochaines semaines», Ariel Avila, chercheur à la Fondation Paix et Réconciliation, admet que «le risque pour le processus de paix est très élevé».