La Cour suprême de Colombie a condamné jeudi l'ancienne patronne des services secrets à 14 ans de prison pour une vaste affaire d'écoutes illégales d'opposants, journalistes et magistrats, sous la présidence d'Alvaro Uribe entre 2002 et 2010, un coup dur pour l'ex-chef de l'État.

Directrice du Département administratif de sécurité (DAS) à cette époque, Maria del Pilar Hurtado avait été reconnue coupable en février d'«abus d'autorité» et de «violation illicite des communications».

Sa peine, qui restait encore à déterminer, a été annoncée par un magistrat au cours d'une audience publique retransmise à la télévision. Le juge Fernando Castro, qui a lu le verdict de la Cour suprême, a fustigé à travers cette affaire une «attaque frontale contre les institutions du pays».

Mme Hurtado était poursuivie pour avoir autorisé l'interception de conversations téléphoniques d'opposants politiques, dont des personnalités de gauche comme l'actuel maire de Bogota Gustavo Petro, de journalistes et de magistrats de la Cour suprême.

Réfugiée à partir de 2010 au Panama, où elle avait obtenu pendant quatre ans l'asile politique, elle avait été placée en détention après s'être rendue le 30 janvier aux autorités colombiennes à la suite d'un avis de recherche international émis par Interpol.

L'ancien secrétaire privé de la présidence, Bernardo Moreno, accusé d'avoir sollicité des informations obtenues illégalement auprès du DAS, a aussi été condamné à huit ans de prison et sera placé en détention à domicile.

La Cour suprême s'est montrée plus clémente que le parquet qui avait réclamé respectivement 20 ans et 10 ans de prison à l'encontre de Mme Hurtado et de M. Moreno.

Le jugement rendu dans cette affaire très médiatisée en Colombie porte un «coup à l'ex-président Uribe, resté très populaire pour sa politique de fermeté envers la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

Une bonne partie de son entourage est en train de tomber», a commenté le politologue Fernando Giraldo, professeur à l'Université Javeriana, interrogé par l'AFP.

Plusieurs des proches d'Alvaro Uribe, ainsi que des membres du DAS, ont en effet déjà été condamnés pour des violations des droits de l'homme.

L'ancien dirigeant conservateur, qui jouit à titre personnel de l'immunité en raison de son actuel mandat de sénateur, a toujours défendu Mme Hurtado qu'il estime «persécutée», affirmant que les écoutes contestées relevaient d'«opérations de sécurité nationale».

M. Uribe a exprimé sa «tristesse» de voir les deux fonctionnaires condamnés «pour avoir accompli leur devoir», dans un message publié sur Twitter.

Jusqu'à présent, ni Mme Hurtado ni M. Moreno n'ont témoigné devant la justice. Leur condamnation a de nouveau alimenté les conjectures sur le fait de savoir s'ils pourraient incriminer l'ancien président en échange d'une réduction de peine.

Après l'éclatement du scandale, le DAS, fondé dans les années 50, avait été dissous en 2011 par l'actuel président, Juan Manuel Santos, artisan des négociations de paix avec les Farc.