Les cendres du volcan Calbuco, brusquement réveillé par une double éruption, recouvraient vendredi les régions touristiques du sud du Chili et de l'Argentine, entraînant l'annulation de vols internationaux au départ et à l'arrivée de Buenos Aires.

Vendredi matin, le volcan chilien, situé sur la côte Pacifique, à 1300 kilomètres au sud de Santiago, a émis une nouvelle colonne de fumée, immense, redoublant les craintes d'une troisième éruption.

À Puerto Varas, ville de 38 000 habitants distante de 40 kilomètres, les habitants se rassemblaient dans la rue pour observer, avec inquiétude, le spectacle, a constaté un journaliste de l'AFP.

Mais selon les experts, il ne s'agissait pas d'une nouvelle éruption.

«C'était un petit rejet de cendres, différent des derniers jours», a assuré lors d'une conférence de presse le directeur du Service national de géologie et des mines (Sernageomin), Rodrigo Alvarez.

«Nous sommes encore dans la crise à proprement parler, donc il y a une surveillance» et «on ne peut pas écarter une nouvelle éruption», a-t-il toutefois mis en garde.

À La Ensenada, bourgade proche du volcan presque entièrement évacuée de ses 1500 habitants, les équipes de secours, masque sur le visage, tentaient avec des engins de dégager ces fines particules grisâtres tombées sur les routes et les maisons.

Dans la ville fantôme, certains riverains, bravant l'interdiction, se hissaient sur les toits, pelles à la main, pour déblayer ce tapis de poussière, avec en toile de fond de ce paysage quasi lunaire le cratère culminant à 2003 mètres d'altitude.

Dans l'après-midi, sauf nouvelle éruption, une centaine d'habitants pourront retourner dans leurs maisons, pour y récupérer des affaires ou leurs animaux domestiques, ont indiqué les autorités.

Nuage de particules 

À 100 kilomètres de là, côté argentin, la ville touristique de San Carlos de Bariloche a vu elle aussi retomber cette pluie de cendres, poussant les autorités à distribuer masques et collyres et à demander aux habitants de rester chez eux.

Le nuage de particules recouvre «toute la zone centrale du pays, dont Buenos Aires», mais reste en altitude, a précisé le Service météorologique argentin.

En atteignant la capitale, les cendres ont obligé à annuler tous les vols, au départ comme à l'arrivée, des compagnies American Airlines, United Airlines, Delta et Air France, selon l'aéroport. Celui de Santiago fonctionnait normalement.

Vendredi matin, le nuage était également parvenu en Uruguay, repéré dans cinq départements, mais sans affecter la visibilité ni les vols.

«Les cendres pourraient endommager les cultures», perturber «le travail, le tourisme et surtout la santé» de la population, a prévenu la présidente chilienne Michelle Bachelet, arrivée sur place jeudi, et il y a «une probabilité d'écoulement de lave à partir du volcan, ce qui pourrait faire fondre la neige et donc faire déborder les rivières».

Le sud du Chili restait en alerte rouge, l'armée, déployée sur place, ayant fait évacuer 4500 habitants dans un rayon de 21 kilomètres après les deux brusques éruptions, les premières du Calbuco depuis 54 ans, qu'aucun signe annonciateur ne laissait présager.

«Un paysage spectaculaire»

La première éruption, mercredi soir, a duré 90 minutes, provoquant une énorme colonne de fumée et de cendres et marbrant le ciel de rose et de jaune alors que le soleil se couchait.

«Cela a été tellement silencieux, sans prévenir», raconte Riel Rivera, pharmacien de 48 ans. «La fumée est sortie directement vers le ciel et un grand champignon s'est formé, réellement impressionnant, c'était un paysage spectaculaire».

La deuxième, jeudi matin, a offert un spectacle encore plus fort, projetant pendant plusieurs heures de la lave en fusion sur un ciel zébré d'éclairs.

«L'explosion a provoqué une hystérie immédiate chez les habitants. On n'en croyait pas nos yeux», témoigne Marcia Claro, patronne d'une cafeteria à Puerto Varas.

Le gouvernement n'a pas fait état de victimes.

«Le volcan Calbuco avait deux cratères avant d'entrer en éruption. Maintenant il en a six», a informé le Sernageomin. Sa précédente éruption remonte à 1961.

«Il n'était pas du tout endormi! Il était actif et vivant» avec des émissions régulières de gaz et de fumerolles, a précisé à l'AFP Florent Brenguier, sismologue de l'Université de Grenoble, prédisant que l'épisode éruptif pourrait durer «plusieurs jours ou semaines».

Il s'agit de la deuxième éruption en quelques semaines au Chili, après celle en mars du volcan Villarrica (sud), qui avait entraîné l'évacuation de 3600 personnes.

Le Chili compte environ 90 volcans actifs et le Calbuco est considéré comme l'un des plus dangereux.