Portant cagoules et gilets pare-balles, des bataillons d'élite seront désormais chargés au Salvador d'affronter les gangs, dont l'escalade de violence fait craindre un retour à la guerre civile dans ce petit pays d'Amérique centrale.

Officiellement, la Mara Salvatrucha (MS-13) et la Mara 18 (M-18), les bandes criminelles les plus redoutées du pays, sont en trêve depuis mars 2012.

Pourtant, ce mois de mars a été le plus meurtrier de cette dernière décennie, avec 841 homicides pour six millions d'habitants.

Au total, entre le 1er janvier et le 5 avril, 1194 personnes ont été tuées, dont 23 policiers et six militaires, alors que les gangs multiplient les attaques-surprises à leur encontre.

Le Salvador est déjà l'un des pays les plus violents au monde avec plus de 60 homicides pour 100 000 habitants selon l'ONU.

Il est désormais «dans un moment décisif, car le gouvernement, sans renoncer à la prévention et à la réinsertion, affronte les gangs en intensifiant la répression, ce qui a entraîné une escalade» et le meurtre de policiers et soldats, explique à l'AFP l'analyste Juan Ramon Medrano, expert en questions de sécurité.

Signe de ce tour de vis, le président Salvador Sanchez Cerén, un ex-commandant guérillero, a fait transférer à la prison de haute sécurité de Zacatecoluca (centre) plus de 50 chefs de gangs, et vers des établissements loin de leurs familles et des gangs les autres membres de bandes criminelles emprisonnés.

Mais sa mesure phare, annoncée il y a quelques jours, est la création de quatre bataillons de «réaction immédiate», l'un provenant des rangs de la police, et trois autres composés de militaires.

«Aucun crime ne restera impuni. La répression du délit se fonde sur la loi», a assuré le président, ajoutant que le gouvernement apportera tout son soutien aux membres des gangs qui «se repentent» et «veulent revenir à la vie de la communauté».

«Panique collective»

Même si elles n'ont pas renoncé publiquement à leur trêve, les bandes criminelles, en attaquant ainsi policiers et soldats, «ont alimenté une panique collective qui fait que la population demande à cor et à cri des mesures excessivement répressives», met en garde le criminologue Carlos Ponce.

Selon lui, la création de bataillons d'élite ne fera que donner «plus de pouvoir» aux forces de l'ordre, mais sans «aucun effet sur les structures criminelles», les gangs étant des organisations complexes et difficiles à affaiblir.

La Mara Salvatrucha et la Mara 18, qui comptent selon les autorités 10 000 membres sous les verrous et 60 000 dans les rues, s'opposent violemment pour le contrôle de territoires, où ils pratiquent extorsion et trafic de drogue.

Pour l'un des médiateurs de la trêve de 2012, l'ancien commandant guérillero Raul Mijango, l'aggravation des affrontements entre bandes criminelles et forces de l'ordre n'augure rien de bon.

«Nous allons vers la guerre, avec certaines des caractéristiques de la guerre civile (qui a déchiré le pays de 1980 à 1992, NDLR), comme la lutte des forces conventionnelles contre les forces clandestines», celles des gangs, observe-t-il. Une guerre qui avait fait 75 000 morts dans le petit pays.

Selon lui, la poussée de violence que subit le pays est due à la «fermeture des espaces de dialogue» entre gangs, ouverts au moment de la trêve, qui avait permis dans un premier temps de réduire la moyenne quotidienne d'homicides de 14 à 5. En mars, cette moyenne a été de 15,5.

Et les forces de l'ordre font désormais face à des bandes armées de fusils de gros calibre et ayant suivi un entraînement militaire.

Le gouvernement a créé en septembre dernier le Conseil de sécurité publique, qui a présenté en janvier un plan qui requiert un investissement de 2,1 milliards de dollars sur cinq ans.

Mais ce n'est qu'une «façade politique à la répression», critique Raul Mijango, appelant à ouvrir de nouveaux espaces de dialogue pour apaiser les tensions.