La ville d'Ocotlan porte encore les traces de l'offensive lancée par le cartel mexicain Nouvelle Génération contre les forces de sécurité : impacts de balles sur les murs et taches de sang sur les trottoirs.

L'embuscade du 19 mars qui avait fait 11 victimes, cinq membres de la gendarmerie, trois criminels présumés et trois passants, a été le point de départ d'un affrontement impitoyable entre ce cartel surarmé et la police de l'État du Jalisco, berceau des mariachis et de la tequila.

Cet État, le quatrième le plus riche du Mexique, est le théâtre de la montée en puissance du Cartel de Jalisco Nouvelle Génération (CJNG), jusqu'alors moins en vue que le cartel de Sinaloa, les Zetas, le cartel du Golfe ou les Chevaliers Templiers.

L'escalade a franchi un palier dans la violence le 6 avril avec l'embuscade menée contre un convoi de la police régionale qui fit 15 morts parmi les policiers, la pire attaque subie par les forces de sécurité depuis la guerre lancée en 2006 par les autorités mexicaines contre les narcotrafiquants.

Le cartel «attendait de se sentir fort pour engager cette escalade», explique à l'AFP le procureur du Jalisco, Luis Carlos Najera, qui révèle que l'organisation criminelle a réussi à recruter dans ses rangs d'anciens militaires.

Dans ses bureaux de Guadalajara, capitale du Jalisco et deuxième ville du Mexique, le procureur qualifie le cartel d'«innovant», car capable de fabriquer ses propres fusils de type R15 et M16.

L'an dernier, les autorités ont découvert un atelier clandestin contenant une chaîne de fabrication et un logiciel sophistiqué pour la fabrication de ces armes.

Le gouvernement des États-Unis lui-même commence à concentrer son attention sur Nouvelle Génération. Le département du Trésor américain a ordonné la semaine dernière le gel dans ce pays de tous les biens de Nemesio Oseguera, alias «El Mencho», considéré comme le chef de cette organisation ayant des tentacules sur tous les continents.

«Au cours des dernières années, nous avons constaté une tendance à l'affaiblissement des cartels historiquement forts et à l'apparition de nouvelles organisations de trafic de drogue comme le CJNG», selon le Trésor américain.

138 impacts de balle

«Ma maison a reçu 138 impacts de balle», durant les deux heures que durèrent les échanges de tirs à Ocotlan, dit une habitante.

Cette nuit-là, quelque 40 hommes armés avaient guetté dans 12 véhicules le passage d'un convoi de la gendarmerie, la nouvelle force de sécurité lancée l'an dernier par le président mexicain Enrique Peña Nieto.

Les tirs venaient de partout, y compris des toits des maisons. Les militaires ont dû intervenir pour prêter main-forte tandis que les habitants étaient terrés chez eux, sans lumière ni connexion téléphonique.

Dans l'embuscade suivante, soigneusement préparée, les hommes armés ont attaqué le convoi policier dans une route montagneuse entre Puerto Vallarta et Guadalajara après avoir placé des barricades sur la chaussée pour empêcher l'arrivée de renforts.

Pour cette attaque, le groupe criminel a fait usage de fusils Barrett, spécialement utilisés contre les véhicules et les blindés, ainsi que de grenades explosives de grande puissance, selon Francisco Alejandro Solorio, responsable régional de la sécurité du Jalisco, lui-même victime d'une tentative de meurtre le 30 mars.

Sur le lieu de l'embuscade a été découvert un campement «avec des vivres, des lits improvisés», preuve que l'attaque était préparée «depuis plusieurs jours», estime-t-il.

«Un couteau dans le coeur»

Le chef de la sécurité de Zacoalco, à 125 km de Ocotlan, est mort dans l'offensive du cartel. D'après Maria Huerta, qui a une boutique non loin du lieu de l'embuscade, «ils lui ont planté un couteau dans le coeur avec un message» annonçant de nouvelles attaques contre les forces de sécurité.

Un grand étendard noir flotte en signe de deuil au sommet de la mairie de cette ville de 27 000 habitants qui semblait vivre paisiblement jusqu'à ce que les policiers abattent le 23 mars Heriberto Acevedo, alias «El Gringo», un des chefs de Nouvelle Génération.

C'est «ce qui leur a fait le plus mal», selon M. Najera, qui estime que l'offensive des criminels est une riposte aux coups qui leur ont été portés par la police.

«Nous avons longtemps lutté seuls», regrette le procureur tandis que continuent d'arriver au Jalisco des renforts de gendarmerie.