Les présidents américain Barack Obama et cubain Raul Castro se retrouvent vendredi au Panama pour un sommet continental historique qui doit consacrer le rapprochement amorcé entre les deux ennemis de la Guerre froide.

Les deux hommes seront côte à côte vendredi soir pour l'ouverture du Sommet des Amériques, puis lors d'un dîner officiel. Mais la Maison-Blanche a indiqué qu'il faudra probablement attendre samedi pour assister à une véritable conversation, la première entre chefs d'État des deux pays depuis 1956.

La présence des deux hommes à ce sommet, qui réunit pendant deux jours une trentaine de chefs d'État, va couronner le réchauffement annoncé en décembre dernier au terme de 18 mois de tractations menées dans le plus grand secret.

Cuba effectue ainsi son retour dans cette grand-messe continentale dont elle restait exclue par les États-Unis et l'Organisation des États américains (OEA) depuis sa première édition en 1994.

MM. Obama et Castro se sont déjà parlés au téléphone mercredi, pour la deuxième fois après leur échange direct du 17 décembre qui avait précédé l'annonce surprise du rapprochement entre les deux pays, a indiqué la Maison-Blanche.

Par ailleurs, le secrétaire d'État américain John Kerry et le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez se sont entretenus pendant trois heures dans la nuit de jeudi à vendredi, enregistrant des «progrès» selon le Département d'État.

Vendredi, le président américain a visité le canal de Panama côté Pacifique, sac à dos à l'épaule, avant de s'entretenir avec son homologue panaméen Juan Carlos Varela. Son programme prévoit d'autres entretiens avant l'ouverture du Sommet en soirée vers 20 h 00 (heure de Montréal).

«Juste un début»

L'annonce du dégel entre les ennemis de la Guerre froide ouvre la voie à de longues et âpres négociations pour résoudre de nombreux points de contentieux hérités de 53 années d'affrontements.

Jeudi soir, un sénateur démocrate a indiqué que le Département d'État avait entamé les démarches pour la levée d'un premier obstacle: la présence de Cuba dans la liste américaine des pays soutenant le terrorisme.

Vendredi, un porte-parole a indiqué que M. Obama n'était «pas encore au stade» de prendre une décision sur ce point, sans toutefois écarter «une annonce» pendant le sommet.

Le retrait de cette liste est la principale condition posée par Cuba à la réouverture d'ambassades dans les deux pays, même si M. Obama a prévenu que cela «prendrait du temps».

Cette liste est «juste un début» sur le chemin de la normalisation, a relevé pour l'AFP Mark Weisbrot, directeur du Centre de recherche économique et politique à Washington.

Raul Castro a en effet prévenu fin janvier que la normalisation «ne sera pas possible» tant que sera maintenu l'embargo en vigueur depuis 1962 contre l'île communiste.

Ce Sommet «fait partie des négociations en cours» entre La Havane et Washington, explique l'ancien diplomate et universitaire cubain Carlos Alzugaray. «La présence de Raul Castro au sommet n'est pas un aboutissement, mais un début».

De récents sondages ont montré que 59% des Américains et 97% des Cubains sont favorables au rapprochement.

Maduro exige le pardon d'Obama

Soucieux de reprendre pied sur le continent après avoir déminé la question cubaine, M. Obama devra faire face à de nombreux pays latino-américains outrés par sa récente décision de signer un décret qualifiant le Venezuela, principal partenaire économique de Cuba, de «menace» pour la sécurité intérieure des États-Unis.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro compte d'ailleurs remettre lors de ce Sommet plus de 13 millions de signatures à M. Obama en faveur de l'annulation de ce décret.

Dans un souci d'apaisement, la Maison-Blanche a expliqué qu'elle cherchait à établir «un dialogue direct avec le Venezuela, même si nous savons qu'il y aura des différences entre nos deux gouvernements sur plusieurs questions.»

Pour ce qui est des résultats réels du Sommet, officiellement consacré à la «prospérité dans l'égalité», les attentes sont minimes: des rumeurs insistantes circulent dans la capitale panaméenne sur l'absence de déclaration finale du fait du litige vénézuélien.

Vendredi, M. Maduro a effectué une visite dans le quartier du Chorillo, partiellement détruit lors de l'intervention américaine de 1989 au Panama, qui avait conduit au renversement de Manuel Noriega.

«Les États-Unis doivent demander pardon au Panama et à l'Amérique latine pour l'invasion de 1989», a-t-il insisté, expliquant qu'il remettrait au président américain une lettre des familles de victimes des bombardements de l'époque exigeant des indemnisations.