Le gouvernement brésilien a lancé mercredi un paquet de mesures anti-corruption, au milieu du scandale politico-judiciaire Petrobras qui a provoqué des manifestations massives dimanche contre la présidente Dilma Rousseff en chute libre dans l'opinion.

Les manifestations, qui ont rassemblé jusqu'à 1,7 million de Brésiliens à travers tout le pays - dont nombre réclamaient la destitution de la présidente de gauche réélue il y a à peine cinq mois - ont sonné l'état d'urgence dans le camp gouvernemental.

D'autant que la popularité de la présidente, déjà en chute libre en février, a continué de plonger vers un plancher inédit d'à peine 13% d'opinion favorable, selon un sondage de l'institut Datafolha publié mercredi par le quotidien Folha de Sao Paulo.

La réprobation du gouvernement brésilien a, selon cette même enquête, bondi à 62%, un niveau jamais atteint par un exécutif brésilien depuis septembre 1992, avant la démission de l'ex-président Fernando Alfonso Collor de Mello qui faisait l'objet d'une procédure de destitution pour corruption.

«Je veux avoir l'orgueil d'être la présidente qui aura fait les premiers pas effectifs» contre la corruption au Brésil, a déclaré Mme Rousseff à Brasilia, après avoir signé une série de projets de loi contre la corruption et l'impunité détaillés auparavant par le ministre de la Justice José Eduardo Cardozo.

«La corruption offense et humilie les travailleurs, minimise l'importance du travail honnête (...). L'heure est venue pour le Brésil de mettre fin à ces crimes et pratiques», a martelé lors d'une cérémonie publique la présidente, en s'efforçant de reprendre la main.

Le gouvernement souhaite criminaliser la pratique de double comptabilité par les partis politiques en période électorale. Car «aussi incroyable que cela puisse paraître, ce n'est pas actuellement un délit» au Brésil, a expliqué le ministre de la Justice.

Brasilia souhaite également faire voter une loi permettant de poursuivre pénalement les personnes ne pouvant justifier l'origine de leur fortune et de confisquer le cas échéant leurs biens litigieux qui seraient vendus aux enchères.

Le gouvernement entend également étendre l'exigence légale de «casier judiciaire vierge» pour tout postulant à une fonction publique responsabilité, une mesure déjà en vigueur depuis le premier mandat de Mme Rousseff pour les candidats aux élections nationales et locales.

Dilma Rousseff avait réagi lundi aux manifestations de la veille en affirmant que le gouvernement avait «l'obligation de dialoguer» avec «humilité» pour faire adopter au parlement un paquet de mesures d'austérité impopulaires. La septième économie mondiale est au bord de la récession et l'inflation ne cesse d'augmenter.

Le gouvernement est éclaboussé de plein fouet par une cascade quotidienne de révélations sur le vaste scandale de corruption mis à jour par la justice depuis un an sein du géant étatique pétrolier Petrobras.

Les enquêteurs affirment que depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir en 2003, jusqu'à 2014, Petrobras a versé de manière généralisée des pots de vin à des élus, majoritairement de la coalition au pouvoir. Ces financements occultes étaient puisés sur la surfacturation de contrats entre le géant pétrolier et ses sous-traitants, en l'occurrence les plus grands groupes de construction du pays.

Dans le volet politique de l'affaire, la justice a lancé des poursuites contre 49 personnes, dont 13 sénateurs, 12 députés, deux gouverneurs en exercice.

Parmi les suspects, figurent les présidents du Sénat et du Congrès des députés, tous deux hiérarques du Parti du Mouvement démocratique brésilien (PMDB), principal mais très indiscipliné allié parlementaire du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir.

Le trésorier national du parti présidentiel, Joao Vaccari est lui-même officiellement soupçonné de «corruption et blanchiment d'argent», pour avoir, selon le parquet, reçu de Petrobras des pots-de-vin sous couvert de contributions électorales légales.

Ce dernier résiste selon les médias aux pressions de la direction du PT qui l'invite à démissionner, ses avocats estimant qu'il s'agirait d'un aveu de culpabilité. Pour l'heure, il a été maintenu mardi soir dans ses fonctions.

Dilma Rousseff n'est pas personnellement soupçonné de malversations dans l'affaire Petrobras.

Mais ses adversaires estiment qu'elle ne pouvait ignorer les pratiques délictueuses au sein d'un groupe d'État dont elle avait présidé le conseil d'administration sous l'administration de son mentor, l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2002-2010).