Le parquet colombien a réclamé jeudi une peine de vingt ans de prison contre l'ex-patronne des services secrets, Maria Pilar Hurtado, dans le cadre d'une vaste affaire d'écoutes illégales durant la présidence d'Alvaro Uribe entre 2002 et 2010.

Mme Hurtado, directrice du Département administratif de sécurité (DAS) à cette époque, a déjà été reconnue fin février coupable par la Cour suprême de justice qui, après les réquisitions, a mis sa décision en délibéré au 17 avril, a indiqué à l'AFP un porte-parole de la plus haute institution judiciaire.

La procureure Maria Victoria Parra a demandé un «châtiment exemplaire afin que tous les fonctionnaires publics s'abstiennent de commettre ce type de délits», selon des déclarations citées par les médias locaux.

L'ancienne responsable des services secrets était poursuivie pour avoir autorisé la violation de conversations téléphoniques d'opposants politiques, dont des personnalités de gauche comme l'actuel maire de Bogota Gustavo Petro, de journalistes ou encore de magistrats.

Réfugiée depuis 2010 au Panama, où elle avait obtenu durant quatre ans l'asile politique, Mme Hurtado s'est livrée le 30 janvier dernier aux autorités colombiennes à la suite d'un avis de recherche international lancé par Interpol et a été placée depuis en détention.

Le parquet a en outre requis dix ans de prison contre l'ancien secrétaire particulier de M. Uribe, Bernardo Moreno, également déclaré coupable par la Cour suprême dans cette affaire.

Laissé en liberté provisoire après avoir passé 19 mois en détention durant l'enquête, il était accusé d'avoir sollicité des informations obtenues illégalement auprès de fonctionnaires du DAS dépendant de la présidence de M. Uribe.

Certaines victimes des écoutes ont publiquement accusé l'ancien chef de l'État d'être le commanditaire d'enregistrements clandestins, ce que ce dernier a toujours nié.

L'administration de M. Uribe, toujours populaire pour sa fermeté envers la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires (FARC), a été éclaboussée par des scandales de violations des droits de l'homme. Plusieurs de ses proches ainsi que des membres du DAS ont déjà été condamnés par la justice.

L'ex-président, qui jouit à titre personnel d'une immunité en raison de son mandat de sénateur, s'était déclaré «peiné» après la condamnation de Mme Hurtado qu'il estime «persécutée», affirmant que les écoutes contestées relevaient d'«opérations de sécurité nationale».

Jusqu'à présent, Mme Hurtado n'a pas témoigné devant la justice. Son éventuelle réaction à sa condamnation alimente les spéculations et notamment le fait de savoir si elle pourrait incriminer l'ancien chef de l'État en échange d'une réduction de peine.

Après la révélation de ce scandale, le DAS, fondé dans les années 50, avait été dissous en 2011 par l'actuel président, Juan Manuel Santos, artisan des négociations de paix avec les FARC.