Le charismatique président sortant de l'Uruguay, l'ancien guérillero José Mujica, cède dimanche les rênes du pays à son prédécesseur, l'oncologue Tabare Vazquez, déjà à la tête de l'Etat entre 2005 et 2010.

Dans un savoureux renvoi d'ascenseur, «Pépé» Mujica, un quasi-octogénaire bonhomme à moustaches blanches qui a rendu ce petit pays de 3,3 millions d'habitants célèbre dans le monde entier pour ses lois avant-gardistes, remet le pouvoir à celui dont il l'avait reçu en 2010.

Le «président le plus pauvre du monde», comme l'a parfois qualifié la presse étrangère en raison de son mode de vie ascétique, allergique au protocole et vedette internationale pour ses prêches anti-consuméristes, cède la place à un médecin septuagénaire aussi austère que prospère, à qui il remet un pays affichant sa douzième année de croissance économique consécutive.

«La célébrité de Mujica pèse sur Vazquez», a expliqué à l'AFP le politologue Jorge Lanzaro. «C'est un contraste permanent, une rivalité sourde, et parfois pas tant que ça, qui a suscité des critiques de la part de Vazquez quant à la façon de parler ou de se vêtir de Mujica».

La cérémonie de passation de pouvoir doit débuter vers 12h GMT (7 h au Québec) dans l'enceinte du Congrès, puis se poursuivre sur la place de l'Indépendance, face à l'immeuble de la présidence, dans le centre de Montevideo, et prendre fin vers 15h GMT (10 h au Québec).

Plusieurs présidents latino-américains sont attendus (Dilma Rousseff du Brésil, Michelle Bachelet du Chili, Rafael Correa d'Equateur ou Raul Castro de Cuba, notamment).

En revanche, des personnalités annoncées se sont finalement désistées ces dernières heures, comme le vice-président américain Joe Biden et le président du Venezuela, Nicolas Maduro.

«Je ne pars pas»

Ancien guérillero ayant passé presque 15 ans en cellule jusqu'à la fin de la dictature (1973-1985), José Mujica, qui se définit comme «libertaire», n'a pas pu tenir toutes ses promesses de campagne - concernant par exemple l'éducation ou les infrastructures - mais a su bousculer les conservatismes en faisant adopter une série de lois sociétales pionnières au niveau régional voire mondial.

Légalisation de l'avortement - loi à laquelle son prédécesseur avait mis son véto -, mariage homosexuel, mais surtout légalisation du marché du cannabis, une initiative unique au monde au niveau d'un Etat.

L'avenir de cette loi qui a suscité un intérêt mondial reste toutefois incertain. M. Vazquez, qui s'était en son temps rendu célèbre en faisant de l'Uruguay le premier pays d'Amérique latine à interdire le tabac dans les lieux publics, ne fait pas mystère de sa circonspection à l'idée de voir le cannabis vendu en pharmacie comme cela est normalement prévu.

À ce jour, il est possible de produire à titre privé un nombre limité de plants pour sa consommation personnelle.

À nouveau à la tête de l'Uruguay pour un troisième gouvernement de la coalition de gauche du Frente Amplio, M. Vazquez a promis que «ça ne serait pas encore une fois la même chose» et qu'il s'attellerait à «des thèmes structurants», comme l'insécurité, la santé ou l'éducation.

Vendredi, des milliers d'Uruguayens sont venus dans le centre de Montevideo saluer une dernière fois «Pépé» Mujica en tant que président. «Je ne pas pars, j'arrive, je partirai avec mon dernier souffle, où que je sois, je le serai avec vous (...) Merci, cher peuple», a lancé à la foule le président sortant ému, qui rejoindra désormais les bancs du Sénat.