La Cour suprême de Colombie a condamné vendredi l'ancienne patronne des services secrets, Maria Pilar Hurtado, dans le cadre d'une affaire d'écoutes illégales durant la présidence d'Alvaro Uribe entre 2002 et 2010.

Mme Hurtado a été reconnue coupable d'«abus d'autorité» à travers des «actes injustes et arbitraires», ainsi que de «violation illicite des communications», selon le jugement rendu public par la Cour.

Ex-directrice du Département administratif de sécurité (DAS), elle était poursuivie pour avoir participé à l'espionnage de conversations téléphoniques d'opposants politiques, parmi lesquels figurent des personnalités de gauche comme l'actuel maire de Bogota Gustavo Petro et l'ex-sénatrice Piedad Cordoba, mais aussi de journalistes ou encore de magistrats, dont des juges de la Cour suprême.

Réfugiée depuis 2010 au Panama, où elle avait obtenu durant quatre ans l'asile politique, Mme Hurtado s'était livrée le 30 janvier dernier aux autorités colombiennes à la suite d'un avis de recherche international lancé par Interpol. Elle est placée en détention depuis sa reddition.

L'ancien secrétaire privé de M. Uribe, Bernardo Moreno, laissé en liberté provisoire après avoir passé 19 mois en détention durant l'enquête, a aussi été condamné lors de cette audience. La justice lui reprochait d'avoir sollicité des informations obtenues illégalement auprès de fonctionnaires du DAS dépendant de la présidence.

Les peines des deux prévenus, qui s'étaient vu interdire en 2010 l'exercice de toute charge publique pendant 18 ans, devraient être fixées jeudi prochain.

Certaines victimes des écoutes ont publiquement accusé M. Uribe d'être le commanditaire d'enregistrements clandestins, ce que ce dernier a toujours nié.

Défendant la «bonne réputation» de l'ex-chef des services secrets qu'il estime «persécutée», l'ancien président conservateur, qui jouit à titre personnel d'une immunité en raison de son mandat de sénateur, a souligné que les écoutes contestées relevaient d'«opérations de sécurité nationale».

Jusqu'à présent, Mme Hurtado n'a pas témoigné devant la justice. Son éventuelle réaction à sa condamnation alimente les spéculations et notamment le fait de savoir si elle pourrait incriminer l'ancien président en échange d'une réduction de peine.

«Nous espérons que la condamnation d'Hurtado contribue à ce qu'elle dise la vérité. Qui ont été ceux qui l'ont conduite à commettre ces délits», a réagi l'avocat de Mme Cordoba, Luis Guillermo Perez, dans une déclaration à la télévision publique.

«La direction nationale des services secrets et le secrétaire général de la présidence ont transformé la DAS en entreprise criminelle et le président n'était pas au courant ?», a ironisé pour sa part Mme Cordoba.

L'administration de M. Uribe, toujours populaire pour sa fermeté envers la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires (Farc), a été éclaboussée par plusieurs scandales de violations des droits de l'homme. Plusieurs élus proches de l'ancien chef de l'Etat ainsi que des membres du DAS ont déjà été condamnés par la justice.

Après la révélation de ce scandale, le DAS, qui avait été fondé dans les années 50, avait été dissous en 2011 par l'actuel président, Juan Manuel Santos, artisan des négociations de paix avec les Farc.