Les États-Unis comptent rouvrir leur ambassade à Cuba en avril et rétablir ainsi leurs relations diplomatiques avec l'île communiste, les deux gouvernements ennemis se félicitant vendredi de «progrès» dans leur dialogue historique après un demi-siècle de conflit.

Mais en dépit de ces avancées réalisées lors d'un second cycle de pourparlers officiels américano-cubains, à Washington, les deux pays ont reconnu qu'il restait de «graves désaccords» avant une normalisation complète. Au premier rang de ces contentieux, la présence de Cuba sur une liste américaine d'«Etats soutenant le terrorisme».

Les discussions de vendredi faisaient suite à une première rencontre officielle à La Havane fin janvier, dans la foulée de l'annonce choc, le 17 décembre, par les présidents Barack Obama et Raul Castro d'une amorce de dégel entre les deux voisins.

Cinquante-quatre ans après la rupture des relations diplomatiques en pleine Guerre froide, Washington pourrait rouvrir dans six semaines sa chancellerie à La Havane et y dépêcher un ambassadeur, a indiqué la secrétaire d'État adjointe pour l'Amérique latine Roberta Jacobson qui mène les négociations côté américain. «Je pense que nous pouvons l'avoir fait à temps pour le Sommet des Amériques» à Panama les 10 et 11 avril, a-elle déclaré, interrogée lors d'une conférence de presse sur un possible rétablissement des relations diplomatiques.

Auquel cas, Cuba rouvrirait aussi son ambassade à Washington.

Les présidents Obama et Castro devraient assister au Sommet des Amériques. Une occasion pour une éventuelle rencontre historique et pour la réouverture d'ambassades. Les deux gouvernements entretiennent depuis 1977 des sections d'intérêts qui font office de chancelleries.

Mme Jacobson ne s'est pas plus étendue sur la teneur des discussions, parlant de «progrès significatifs», de discussions «constructives et encourageantes» avec la partie cubaine représentée par la directrice chargée des États-Unis au ministère des Affaires étrangères, Josefina Vidal.

Questions en suspens

Cette dernière a aussi vanté les «progrès» des deux pays «dans (leurs) négociations» tout en reconnaissant qu'il restait des questions en suspens, dont «la suppression de Cuba de la liste (américaine) des «États soutenant le terrorisme»»

Car La Havane réclame depuis longtemps d'être rayée de cette liste noire où Cuba figure depuis 1982 aux côtés de l'Iran, de la Syrie et du Soudan.

Le 17 décembre, le président Obama avait indiqué avoir fait avancer le dossier auprès du département d'État, mais son secrétaire d'Etat John Kerry a réaffirmé vendredi matin que les deux sujets étaient «distincts».

La diplomate cubaine Josefina Vidal a dit ne pas en faire «une condition préalable» pour rouvrir les ambassades. Mais, a-t-elle argumenté, «il serait très difficile d'expliquer que Cuba et les États-Unis ont rétabli leurs relations diplomatiques et que Cuba reste sur une liste sur laquelle il n'aurait jamais dû figurer».

Si rouvrir des ambassades paraît donc à portée de main, la normalisation complète promet d'être beaucoup plus compliquée: après plus de 50 ans d'hostilité, les contentieux sont légion, à commencer par l'embargo commercial et financier que Washington impose à l'île communiste depuis 1962.

La Havane demande sa levée, le président démocrate Obama y est favorable et a demandé au Congrès, contrôlé par les républicains, d'y travailler car lui seul a la prérogative institutionnelle pour le faire.

Des élus républicains et démocrates plaident également pour la fin de l'embargo mais ils sont aussi nombreux dans les deux camps à être opposés à une telle perspective. Ils dénoncent un processus de normalisation sans dialogue préalable avec le régime castriste sur les droits de l'homme et la répression politique.

Washington a certes assoupli ces dernières semaines quelques contraintes de l'embargo -- pour le secteur privé d'entreprises cubaines et dans les télécommunications -- mais l'essentiel reste en vigueur.

Juste avant les entretiens américano-cubains fin janvier, La Havane avait libéré 53 dissidents d'après une liste établie avec le gouvernement américain. Et les discussions de vendredi ont permis aussi de programmer «fin mars» un dialogue entre les États-Unis et Cuba «sur les droits de l'homme», a dit Mme Jacobson.

Ce processus historique de normalisation entre les États-Unis et Cuba avait en fait commencé dans le plus grand secret il y a près de deux ans lors de négociations confidentielles menées du printemps 2013 à l'automne 2014, sous l'égide du Vatican et du Canada.