Les milices d'autodéfense constituées par la population début 2013 au Michoacán, à l'ouest du Mexique, pour résister aux exactions du groupe criminel des Chevaliers Templiers et légalisées en mai dernier comme polices rurales, tendent maintenant à se retourner contre le gouvernement.

«Les gens sont dans la douleur, ils ont la haine», dit à l'AFP un ex-milicien recruté au sein de cette police à Buenavista, en pleine zone de Tierra Caliente, en proie à la violence endémique des narcotrafiquants.

Un pistolet à la ceinture dans la localité de Pinzandaro, ce policier rural peste contre ce qui fut selon lui un massacre contre ses collègues de la ville voisine d'Apatzingan la semaine dernière, de la part de la police fédérale et de militaires. Ses troupes ont «soif de justice», assure-t-il.

Le 6 janvier, les forces gouvernementales ont mené, dans cet ancien bastion des Chevaliers Templiers, une violente opération ayant fait officiellement neuf morts et provoqué l'arrestation de 44 personnes.

Il s'agissait pour les forces fédérales de déloger de la mairie de la ville des dizaines d'ex-policiers ruraux protestant contre leur récent licenciement du corps et le non-paiement de leur dû.

Lundi, le commissaire fédéral chargé de la sécurité au Michoacán, Alfredo Castillo, a assuré lors d'une conférence de presse que seuls deux des neuf morts avaient été tués par les forces de sécurité. «Pratiquement toutes les personnes mortes ont été tuées par leurs propres compagnons lors d'un échange de tirs croisés».

Mais les miliciens soutiennent que leurs seules armes étaient des bâtons et des pierres. «Le gouvernement les a armés, ensuite il les a désarmés pour finalement les envoyer se faire tuer», s'écrie la mère de Luis Alberto Lara, un ex-policier rural de 20 ans, mort dans ces affrontements.

De son côté, un policier fédéral qui avait participé à l'opération d'évacuation de la mairie d'Apatzingan assure que les ex-policiers ruraux de la ville sont en fait maintenant contrôlés par un groupe criminel de Pinzandaro, «Los Viagras», qui cherche à s'emparer de l'ancien bastion des Chevaliers Templiers.

Menace de guerre civile

«Je crois que les autorités fédérales ont été obligées de s'allier à toutes sortes de gens pour abattre les Templiers. Le problème c'est que tous les ennemis de ce cartel ne sont pas forcément des amis de la loi».

Vendredi, des centaines d'habitants d'Apatzingan sont descendus dans la rue pour exiger le retrait des forces fédérales, accusées selon eux d'avoir en réalité tué 17 personnes lors de l'opération d'évacuation de la mairie.

«Il y a aussi eu des détentions arbitraires! On a arrêté mon mari alors qu'il achetait des jouets et qu'il ne soutient même pas les forces rurales», a dit à l'AFP une manifestante.

Au lendemain de la manifestation, les barrages militaires ont été renforcés à Apatzingan.

Mais, pour un producteur de citrons de la région, partisan des milices d'autodéfense, ces mesures ne vont pas empêcher la «guerre civile» qui menace.

Quand le gouvernement fédéral a décidé en mai d'enrôler les miliciens dans les forces rurales placées sous le contrôle de l'armée, il pensait faire d'une pierre deux coups : en finir avec l'illégalité du mouvement d'autodéfense et utiliser leur connaissance du terrain pour en finir avec les Templiers.

«Nous avons été utilisés»

Côte à côte, miliciens et forces fédérales ont arrêté ou abattu les principaux leaders du cartel, à l'exception notable de Servando Gómez, alias «La Tuta».

En dépit de ces succès, des voix se sont vite élevées pour attirer l'attention des autorités sur la présence de criminels au sein des forces rurales.

Le mouvement se divisa à tel point que le 16 décembre, le fondateur des milices d'autodéfense, Hipolito Mora, et ses sympathisants se sont affrontés par balles contre un autre initiateur du mouvement surnommé «El Americano». Avec un bilan de 11 morts. Les leaders des deux camps et 35 de leurs partisans sont actuellement sous les verrous.

Et Alfredo Castillo, le commissaire fédéral, a laissé entendre que les forces rurales étaient amenées à disparaître.

«Nous avons le sentiment d'avoir été utilisés parce qu'il nous traite maintenant comme des délinquants», estime le commandant des ex-forces rurales de Buenavista.