La gauche uruguayenne devrait décrocher fin novembre un troisième mandat présidentiel consécutif assorti d'une majorité parlementaire après l'avance de l'ancien président Tabaré Vazquez au premier tour du scrutin dimanche pour prendre la succession de José Mujica.

Après dépouillement de 99,6% des bulletins, M. Vazquez totalise 47,2% des suffrages et mène clairement la course en vue du second tour le 30 novembre face au jeune député de 41 ans de centre-droit Luis Lacalle Pou (30,5%), fils d'un ancien président.

«Aujourd'hui (lundi), (notre) majorité parlementaire est pratiquement confirmée», a déclaré à l'AFP la présidente du Frente Amplio (FA), le parti de gauche au pouvoir. Les résultats définitifs seront connus en fin de semaine après vérification par la cour électorale.

Cancérologue de 74 ans, M. Vazquez, qui fut de 2005 à 2010 le premier président de gauche de ce petit pays, est «non seulement favori mais le vainqueur annoncé», a assuré à l'AFP Rafael Piñeiro, docteur en sciences politique à l'Université catholique d'Uruguay.

Même en ajoutant à droite les 12,7% obtenus par Pedro Bordaberry, du Parti Colorado, qui a apporté dès dimanche soir son soutien à M. Lacalle Pou, la gauche reste en tête.

«Ce serait vraiment miraculeux que Lacalle Pou réussisse à inverser ce résultat», a confié à l'AFP Ricardo Lopez Gottig, analyste du Centre pour l'ouverture et le développement de l'Amérique latine (Cadal).

«C'est un triomphe du Frente Amplio», a renchéri l'analyste politique Juan Carlos Doyenart, directeur de la société de conseils Interconsult, notant que la coalition de gauche «conserve, après 10 ans de gouvernement, presque 95% des votes obtenus en 2004», année de sa première victoire.

Si la présidence de José Mujica s'est illustrée par des avancées sociales telles que l'adoption du mariage homosexuel et le droit à l'avortement, ce scrutin pourrait toutefois porter un coup à la plus ambitieuse des lois votées par le parlmement sortant: la légalisation de la production et de la vente du cannabis sous contrôle de l'État, votée fin 2013.

Tabaré Vazquez, qui avait pendant son mandat fait adopter de sévères lois anti-tabac, a clairement exprimé ses réserves quant à la vente publique en pharmacie du cannabis, aspect le plus controversé de la loi. Cette dernière avait été chère à «Pépé» Mujica, président ex-guerillero de 79 ans devenu la coqueluche des médias pour son style décontracté et son mode de vie austère.

«Situation économique favorable»

Dans ce pays de 3,3 millions d'habitants où le vote est obligatoire sous peine d'amende, un total de 2,6 millions d'électeurs avaient été appelés dimanche à choisir, outre leur président, qui entrera en fonctions le 1er mars prochain, les 30 sénateurs et 99 députés du parlement.

Au Sénat, le Frente Amplio obtiendrait 15 sénateurs et devrait compter encore un siège de plus s'il remporte le second tour, le vice-président étant aussi président du Sénat.

Pour la chambre basse, le Frente Amplio pourrait rechercher, si besoin était, un accord avec le Parti indépendant (centre-gauche), qui aurait trois députés.

Au final, malgré des sondages annonçant ces derniers mois un mécontentement des classes moyennes, demandeuses d'une amélioration en matière de santé, d'éducation et de sécurité, «la surprise a été que l'électorat est resté assez statique, conservateur», souligne Ricardo Lopez Gottig.

L'insécurité, thème majeur de l'élection alors que le pays est le plus sûr d'Amérique latine, n'a par exemple pas fait recette : le référendum organisé dimanche, à l'initiative du Parti Colorado, pour abaisser à 16 ans l'âge de la responsabilité pénale en matière criminelle a été rejeté, n'ayant obtenu que 47,14% de oui.

Les électeurs, «même désenchantés par le Frente Amplio, ont préféré lui donner un vote de continuité» et «ont privilégié la situation économique favorable par rapport aux pays voisins», selon l'analyste.

L'Uruguay, enclavé entre l'Argentine au sud et le Brésil au nord, est en effet bien loin de la récession qui frappe ces deux géants : il affiche une croissance du PIB de 4,4% en 2013 - 11e année consécutive de hausse -, un chômage d'environ 6% et un taux de pauvreté divisé par trois entre 2006 et 2013.