Le scandale des 43 étudiants disparus depuis un mois à Iguala, au sud du Mexique, après avoir été livrés par la police à un groupe criminel, a fait sa première victime politique: le gouverneur de l'État de Guerrero a présenté sa démission jeudi soir.

La pression pour la démission d'Aguirre n'avait cessé de croître au Mexique, notamment dans toutes les manifestations récentes. Il lui était reproché son incapacité à ne pas avoir pu freiner la violence des narcotrafiquants dans cette région, et surtout d'avoir été incapable de faire avancer la recherche des 43 disparus.

Élu en 2011 sous l'étiquette du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), le gouverneur s'était retrouvé isolé cette semaine après la demande de sa démission par les parlementaires du parti au pouvoir, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Enrique Pena Nieto, ainsi que par Parti action nationale (PAN, conservateur).

Jeudi il savait qu'il était lâché par sa propre formation politique. «J'ai décidé de demander mon congé au parlement de l'État», a-t-il dit lors d'une conférence de presse.

Il a assuré aux journalistes que pour lui l'essentiel était maintenant la recherche des disparus et le châtiment des coupables et souhaité que sa démission «favorise un climat politique qui permet [de mettre] l'attention à ces priorités et leur solution».

Le gouverneur n'a pas précisé pour combien de temps il se mettait en congé de sa charge, mais il a indiqué que le parlement régional devrait maintenant élire la personne qui «doit mener cet effort dans les prochains mois». Les prochaines élections au poste de gouverneur de l'État du Guerrero doivent se tenir en juin 2015.

La démission du gouverneur intervient au lendemain de l'annonce par les autorités fédérales d'un mandat d'arrêt contre le maire d'Iguala, José Luis Abarca également un élu du PRD, pour être l'instigateur présumé, avec son épouse, de l'attaque menée le 26 septembre contre des étudiants. Cette attaque avait fait 6 morts, 25 blessés et 43 disparus dont on est toujours sans nouvelles, un mois après.

La gauche dans les cordes

Maintenant le PRD, la principale formation de la gauche mexicaine, se retrouve dans les cordes pour avoir soutenu à la fois Aguirre et Abarca.

Mais l'indignation touche toute la classe politique dans cette affaire qui a provoqué des demandes d'explication dans le monde entier. Jeudi, le Parlement européen a exhorté le Mexique à «agir rapidement» pour arrêter les responsables.

Des dizaines de milliers de Mexicains ont manifesté mercredi dans plusieurs villes du pays. Jeudi, dans l'État du Guerrero, les enseignants radicaux ont occupé la municipalité d'Acapulco pour exiger que soit retrouvés les disparus. Une vingtaine des 81 municipalités du Gerrero étaient occupées par des enseignants jeudi.

Le président mexicain répète chaque jour que la priorité de son gouvernement est de retrouver les disparus.

Le prêtre et activiste défenseur des droits de l'homme, Alejandro Solalinde, a rencontré jeudi le ministre de la Justice Jesús Murillo Karam, pour lui faire part des témoignages qu'il avait recueillis et qui indiqueraient que certains des jeunes disparus ont été tués et leurs corps brulés, mais que certains d'entre eux seraient toujours en vie.

À la sortie de cette réunion, M. Solalinde a déclaré qu'il avait trouvé le ministre, responsable de l'enquête fédérale, «très angoissé».

«Je ne sais pas si c'est pour les victimes ou pour la pression politique qu'exerce le mouvement, qui prend des dimensions insoupçonnées. Je crois que cela lui donne beaucoup de maux de tête, pas seulement à lui, mais aussi au président», a-t-il dit à l'AFP.