Des dizaines de milliers de Mexicains ont manifesté mercredi pour exiger des autorités qu'elles retrouvent les 43 étudiants disparus suite à des attaques de la police et d'une bande criminelle, et se solidariser avec leurs familles, dont certaines ont défilé dans la capitale en tête du cortège.

«Vous n'êtes pas seuls», entendait-on dans les rues au passage des parents, défilant les larmes aux yeux, et protégés par un cordon d'étudiants.

Les familles ont voyagé vers la capitale depuis la ville d'Iguala, à 200 km de là et où les jeunes disparus sont recherchés depuis douze jours, avec la crainte croissante qu'ils aient été assassinés et enterrés dans des fosses clandestines.

«Nous sommes venus exiger justice et que nos camarades reviennent vivants», a dit à l'AFP un des élèves de l'Ecole normale rurale d'Ayotzinapa, où étudiaient les disparus, tous âgés de 17 à 21 ans.

D'autres manifestations de solidarité ont eu lieu dans plusieurs villes du pays depuis Acapulco (Guerrero) jusqu'à San Cristobal de las Casas.

«Votre colère est la nôtre»

Dans cette ville coloniale du Chiapas, à population majoritairement indigène, des milliers de membres de la guérilla de l'Armée zapatiste de libération (EZLN) sont descendus des montagnes, sans arme, le visage caché par leurs caractéristiques passe-montagne noirs sur le visage.

«Votre colère est aussi la nôtre», pouvait-on lire sur une de leurs pancartes.

La manifestation a été massive à Chilpancingo, capitale de l'État de Guerrero, où plus de 20 000 personnes ont manifesté avec des camarades des étudiants disparus.

Le gouvernement mexicain est confronté à une pression croissante pour que la lumière soit faite sur ce qui s'est passé à Iguala où 43 étudiants ont disparu le 26 septembre après avoir été attaqués avec des armes à feu par des policiers municipaux et des narcotrafiquants.

Le gouvernement est également critiqué pour ne pas avoir agi plus tôt, alors qu'il aurait eu connaissance des liens du maire d'Iguala avec les criminels du groupe des Guerreros Unidos.

Des centaines de miliciens d'autodéfense ont entamé mercredi, parallèlement aux forces de sécurité fédérales, leurs propres recherches. «Nous allons trouver les jeunes, vivants ou morts», a assuré à l'AFP un des commandants du groupe, identifié sous le nom de Moises.

«Si des criminels attaquent nos camarades, nous sommes préparés», a déclaré à la presse Ernesto Gallardo, coordinateur de l'Union des peuples et organisations de l'État de Guerrero (UPOEG).

Cette organisation a décidé d'entreprendre ses propres recherches, à la demande, selon elle, de parents de disparus qui ne font pas confiance aux forces fédérales.

Quelque 500 miliciens sont arrivés mercredi matin dans la zone des fosses clandestines où ont déjà été découverts 28 corps, en cours d'identification.

Bien que deux criminels présumés ont avoué avoir tué 17 des étudiants trouvés dans les fosses, les familles refusent de croire à la mort des jeunes et continuent d'affirmer qu'ils sont aux mains de policiers locaux en fuite.

Pression internationale 

Les États-Unis, l'ONU et l'Organisation des États américains (OEA) ont appelé le gouvernement mexicain à faire toute la lumière sur ces disparitions.

José Miguel Vivanco, directeur de Human Rights Watch pour les Amériques a estimé que cette affaire constituait «une grave crise des droits de l'homme» devant laquelle le gouvernement mexicain n'avait fait que des «avancées limitées».

Les causes de l'attaque violente contre des étudiants venus manifester et récolter des fonds à Iguala ne sont pas élucidées.

Mais l'indignation est montée d'un cran au Mexique après la diffusion d'informations sur les liens entre le maire d'Iguala, José Luis Abarca, membre du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), et les narcotrafiquants de Guerreros Unidos, groupe local issu du cartel Beltran Leyva.

Le maire, disparu depuis plusieurs jours et recherché par la police, est considéré comme fugitif.

Selon un rapport du renseignement mexicain (Cisen) publié dans la presse, l'épouse du maire, Maria de los Angeles Pineda, a ordonné aux forces de sécurité de la ville d'agir contre les étudiants, craignant qu'ils n'interrompent un discours qu'elle avait prévu de prononcer le 26 septembre.

Deux frères de Mme Pineda figuraient en 2009 parmi les narcotrafiquants les plus recherchés du pays, en tant que chefs locaux du cartel des Beltran Leyva.