La présidente brésilienne de gauche Dilma Rousseff affrontera le 26 octobre le social-démocrate Aecio Neves au second tour d'une élection présidentielle très disputée, dans cet immense pays émergent d'Amérique latine en pleine mutation.

Dilma Rousseff, candidate du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir depuis 12 ans, a largement viré en tête du premier tour dimanche, avec 41,48 % des voix, selon des résultats officiels presque définitifs.

Mais son rival du Parti social-démocrate brésilien (PSDB), Aecio Neves, a obtenu un score de 33,68 %, bien supérieur aux 26 ou 27 % annoncés par les sondages de samedi et va tenter de forger un pacte anti-PT.

L'ex-gouverneur populaire de l'État de Minas Gerais, le deuxième plus peuplé du Brésil, a surtout éliminé l'ex-favorite surprise de cette élection, l'écologiste Marina Silva, qui n'a finalement obtenu que 21,29 % des voix.

Les voix de Marina

La campagne du second tour promet une bataille acharnée entre Mme Rousseff et M. Neves pour rallier les voix de Marina Silva, une dissidente du PT qui prônait une politique socialement à gauche et économiquement à droite.

M. Neves a immédiatement appelé le Parti socialiste brésilien (PSB), dont Marina Silva défendait les couleurs, à se joindre à lui pour battre Mme Rousseff: «c'est l'heure d'unir nos forces. Ma candidature n'est pas celle d'un parti politique, mais d'un ensemble d'alliances» au service de «tous les Brésiliens qui ont la capacité de s'indigner».

Marina Silva, qui prônait une rupture avec la «vieille» politique bipolaire PT-PSDB ne s'est pas prononcée. «Nous allons organiser des réunions, dialoguer entre nous», a-t-elle expliqué. Mais «le Brésil a clairement signifié qu'il n'était pas d'accord avec la situation actuelle».

Dilma Rousseff a remercié les électeurs pour sa victoire au premier tour saluée par ses militants aux cris de «un deux trois, Dilma encore une fois !»

«La lutte continue, une lutte qui sera victorieuse parce que c'est la lutte du peuple brésilien. Cette lutte est la lutte des bâtisseurs de l'avenir qui ne laisseront jamais le Brésil revenir en arrière», a déclaré l'ancienne guérillera.

«Aecio Neves renaît de ses cendres et arrive au second tour avec beaucoup de force. Je crois que Rousseff et Neves ont chacun 50 % de chances de l'emporter. La campagne va être très courte et très intense», prévient l'analyste politique André César.

«Il existe un désir de changement, des personnes mécontentes de la détérioration de l'économie, spécialement dans les classes les plus favorisées, mais la défense des conquêtes du PT a aussi beaucoup de force au sein de l'électorat», souligne Joao Augusto de Castro Neves, de Eurasia Group, pour qui Mme Rousseff reste favorite.

Plus de 142 millions d'électeurs brésiliens ont voté dimanche pour élire leur président, mais aussi leurs 513 députés fédéraux, 1069 députés régionaux, ainsi que 27 gouverneurs et un tiers du Sénat (27 sièges). Les résultats des législatives n'étaient pas encore connus lundi.

Les électeurs du géant émergent d'Amérique latine sont partagés entre fidélité au bilan des conquêtes sociales lancées par Lula (2003-2010), le mentor de Mme Rousseff, et coup de barre libéral au centre pour relancer l'économie en panne.

Ces élections se déroulent dans un contexte bien différent de celles de 2010, remportées par Mme Rousseff dans l'euphorie finissante du «miracle» des années Lula.

Le vent a tourné pour la septième puissance économique mondiale: quatre ans de croissance au ralenti jusqu'à l'entrée en récession au premier semestre, sur fond de poussée de l'inflation (6,5 %) et de dégradation des comptes publics. Un maigre bilan contrebalancé par un taux de chômage historiquement bas (4,9 %).

Milliards engloutis dans le Mondial

La classe politique a été ébranlée par la fronde sociale historique de juin 2013. La jeune de classes moyennes urbaines de la génération Lula avait manifesté en masse contre la corruption des élites, exigeant une amélioration de l'éducation, de la santé et des transports publics, en lieu et place des milliards engloutis dans l'organisation du Mondial-2014 de football.

Le PT a aussi vu son image ternie par des scandales de corruption.

Mais son héritage de programmes sociaux et d'amélioration du niveau de vie lui vaut le soutien fidèle des classes populaires et des régions déshéritées, tel son bastion du Nord-est.

Plus de 40 millions de pauvres ont accédé à la consommation à crédit et rejoint depuis 2003 les rangs de la classe moyenne devenue pour la première fois majoritaire à ces élections.

La situation économique de cette classe moyenne a stagné pendant le mandat de Dilma Rousseff.

Elle est aujourd'hui divisée, comme l'ont montré les résultats très disputés du premier tour dans le Sud-Est industrialisé entre les trois favoris.

Dans les mégapoles de Rio de Janeiro, Sao Paulo, Belo Horizonte, Dilma Rousseff et Aecio Neves vont se disputer la victoire finale.