La course à l'élection pour la présidence du Brésil a connu un nouveau rebondissement samedi à la veille du premier tour, le social-démocrate Aecio Neves dépassant pour la première fois dans les sondages l'écologiste et ex-favorite Marina Silva, derrière Dilma Rousseff.

La présidente sortante de gauche Dilma Rousseff, bousculée en début de campagne par l'irruption du tsunami Marina Silva, conforte son avance et virerait largement en tête pour le probable second tour du 26 octobre.

Si ces sondages se confirment dimanche dans les urnes du plus grand pays d'Amérique latine, le phénomène Marina Silva et sa promesse de «nouvelle politique» en rupture avec le système, n'auront été qu'un feu de paille.

Et la «vieille politique» qu'elle fustige reprendra ses droits, avec un deuxième tour classique entre Dilma Rousseff et Aecio Neves, candidats du Parti des travailleurs (PT, gauche) et du Parti social démocrate brésilien (PSDB) de l'ancien président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002), qui se partagent le pouvoir depuis 20 ans.

Les trois sondages publiés samedi ont confirmé le statut de grande favorite de Dilma Rousseff, qui obtiendrait entre 40,6 % (sondage CNT) et 46 % des voix (Ibope). L'institut Datafolha la crédite d'un score intermédiaire de 44 % (Datafolha). Ces sondages ont tous des marges d'erreurs estimées à +/-2 %.

M. Neves, longtemps relégué loin derrière ses rivales, mais en pleine courbe ascendante en fin de campagne coifferait sur la ligne Marina Silva. Le sondage CNT le donne à 24 % contre 21,4 % pour Mme Silva, et les sondages Ibope et Datafolha à 27 % et 26 % contre 24 % pour son adversaire.

Au second tour, Mme Rousseff serait réélue dans tous les cas de figure avec une avance de plus de cinq points.

Marina Silva, propulsée de manière inattendue dans la campagne après la mort dans un accident d'avion en août de son allié, le candidat du PSB Eduardo Campos, avait déclenché un tsunami dans les sondages, au point d'être largement donnée victorieuse sur Mme Rousseff en cas de second tour.

Mais elle a peu à peu perdu du terrain face aux contre-offensives de Mme Rousseff et M. Neves, soutenues sur le terrain par les puissantes machines électorales de leurs partis.

Plus de 142 millions d'électeurs brésiliens sont appelés dimanche aux urnes pour élire leur président, mais aussi leurs 27 gouverneurs, 513 députés fédéraux, 1069 députés régionaux et 27 sénateurs (un tiers du Sénat) parmi plus de 26 000 candidats.

La panorama est bien différent de celui de la dernière élection en 2010. La classe moyenne en pleine expansion du géant émergent d'Amérique latine y est devenue pour la première fois majoritaire.

Après le miracle socio-économique de la présidence Lula (2003-2014), le Brésil a connu quatre années de croissance au ralenti, jusqu'à l'entrée en récession au premier semestre sur fond de poussée inflationniste.

Second souffle

Il a également été ébranlé par la fronde sociale historique de 2013 qui avait exprimé un profond ras-le-bol des élites politiques et des revendications nouvelles pour des investissements massifs dans la santé, l'éducation ou les transports publics.

Le Brésil cherche un second souffle. Et les électeurs sont partagés.

Les partisans de la continuité, majoritaires parmi les plus pauvres et l'intelligentsia de gauche, défendent l'héritage de conquêtes sociales et d'amélioration du niveau de vie des 12 années de gouvernements du PT, dont Mme Rousseff est la dépositaire. Plus de 40 millions de pauvres ont rejoint la classe moyenne et ont accédé à la consommation depuis 2003.

Les partisans du changement, plus nombreux au sein des classes moyennes et aisées, sont partagés entre Aecio Neves, candidat classique des élites et du retour à une gestion économique libérale, et la rupture plus aventureuse représentée par Marina Silva, une dissidente du PT, fervente évangélique.

Les trois favoris ont bataillé samedi sans relâche pour tenter de convaincre d'ultimes indécis en multipliant les rencontres.

Aecio Neves a labouré son fief de l'État de Minas, le deuxième le plus peuplé du pays, dont il a été le très populaire gouverneur.

Mme Rousseff l'a marqué de près à Belo Horizonte, la capitale industrielle de Minas, où elle a grandi avant de se rendre à Porto Alegre, le berceau de l'altermondialisme où elle a fait ses premiers pas en politique.

Marina Silva a pour sa part battu le rappel à Sao Paulo, un fief du PSDB où elle a été longtemps donnée favorite. Elle devait se rendre dans la soirée dans l'État d'Acre, où elle a connu une enfance pauvre à récolter le latex et votera dimanche.

Plus de 400 000 hommes policiers et militaires ont été mobilisés pour assurer la sécurité des élections, dans ce pays continent de 202 millions d'habitants grand comme 14 fois la France.

PHOTO MARCOS FERNANDES, AFP

Selon un sondage CNT rendu public samedi, Aecio Neves (photo) obtient 24 % des intentions de vote contre 21,4 % à Marina Silva. La présidente sortante, Dilma Rousseff, reste stable avec 40,6 % des intentions de vote.