Les favoris de l'élection présidentielle au Brésil, la sortante de gauche Dilma Rousseff en tête, bataillent samedi à la veille du premier tour pour convaincre les indécis d'un scrutin «plébiscite» sur 12 ans de pouvoir du Parti des travailleurs (PT).

Dans ce vaste pays émergent en quête de second souffle après le boom socio-économique des années 2000, les Brésiliens sont divisés, entre défenseurs d'un héritage de conquêtes sociales historiques incarné par Mme Rousseff, et partisans d'une alternance apte à relancer le pays et à répondre à leurs aspirations de moralisation de la vie publique et d'amélioration des services publics.

Dilma Rousseff, 66 ans, aborde ce premier tour en grande favorite, avec 40% des intentions de vote. Elle connaîtra dimanche soir son adversaire pour un second tour prévu le 26 octobre, qui s'annonce beaucoup plus indécis.

Dimanche, les partisans du changement vont devoir trancher. Entre l'aventure d'une «rupture» avec les grands partis traditionnels incarnée par l'atypique Marina Silva, 56 ans, apôtre d'une «nouvelle politique». Et l'alternance en terrain connu représentée par Aecio Neves, candidat du puissant Parti social-démocrate brésilien (PSDB) - grand rival du PT - qui a gouverné le pays de 1995 à 2002.

Après une irruption tonitruante dans la campagne, Marina Silva, qui rêve de devenir la première présidente noire du pays, a glissé dans les sondages et pointe à 24% d'intentions de vote.

Aecio Neves, longtemps très distancé, mais remonté à 19 et 21%, ne désespère pas de se qualifier à l'arraché pour le second tour.

«Imprévisibilité et émotion»

«C'est l'heure de voter pour qui est réellement capable de battre le PT», a exhorté vendredi Marina Silva, sur son compte twitter, suivi par un million de Brésiliens.

Cette dissidente du PT tiendra samedi une réunion dans l'État de Sao Paulo. Puis elle rejoindra l'État amazonien d'Acre en Amazonie, où elle a connu une enfance pauvre passée à récolter le latex, pour y voter dimanche.

Aecio Neves va faire le forçage en animant trois réunions dans l'État de Mina Gerais, bastion électoral dont il a été deux fois le très populaire gouverneur.

Dilma Rousseff s'adressera elle aux militants du PT à Belo Horizonte, puis Porto Alegre.

Les résultats d'un dernier sondage, effectué après l'ultime débat télévisé de jeudi soir entre les candidats, seront dévoilés dans la matinée.

Le PT au pouvoir se pose en garant des programmes sociaux qui ont contribué à faire sortir 40 millions de Brésiliens de la pauvreté en 12 ans et profitent directement à plus de 50 millions d'entre eux.

Mais son image a été ternie par de retentissants scandales de corruption.

La fronde sociale historique des Brésiliens en juin 2013 a exprimé le ras-le-bol des Brésiliens contre la corruption et l'indigence de leurs services publics.

Et la présidente Dilma Rousseff est fragilisée par un maigre bilan économique seulement contrebalancé par un taux de chômage historiquement bas (4,9%). La croissance du géant d'Amérique latine et septième économie mondiale a tourné au ralenti pendant son mandat, jusqu'à l'entrée en récession au premier semestre, sur fond de poussée inflationniste et de dégradation des comptes publics.

Dilma Rousseff abordera le second tour en favorite, mais doit s'attendre à une élection «très difficile», car «Mme Silva et M. Neves scelleront très probablement un pacte anti-PT entre les deux tours», estime le politologue Lucio Renno, de l'Université de Brasilia.

«Il existe une volonté de changement de politique économique, spécialement dans les classes aisées. Mais elle est concurrencée par une volonté de préserver et défendre les conquêtes sociales et améliorations du niveau de vie apportées par le PT», analyse son collègue Castro Neves.

André Cesar, analyste pour le consultant Prospectiva, pense que Mme Rousseff finira par l'emporter. Mais il souligne qu'un «tel niveau d'imprévisibilité et d'émotion n'a plus été atteint depuis 25 ans au Brésil».

Il faut remonter selon lui à 1989, année des premières élections post-dictature au suffrage universel, remportées de justesse par Fernando Collor face à l'ex-président Lula (2003-2010), le mentor politique Mme Rousseff.