La présidente brésilienne de gauche Dilma Rousseff, de retour en force dans les sondages, a encore durci ses attaques contre sa rivale Marina Silva pour tenter de l'emporter dès dimanche et éviter un périlleux second tour.

Crispés, cassants, avec six jours à peine devant eux pour convaincre 20% d'électeurs encore indécis, les candidats à la présidence du Brésil, le géant émergent d'Amérique latine, ont échangé de vives attaques dimanche soir au cours d'un débat télévisé.

Dilma Rousseff se présente comme la garante de la continuité de 12 ans de conquêtes sociales qui ont permis à 40 millions de Brésiliens de sortir de la pauvreté sous sa présidence et celle de son mentor et prédécesseur Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).

Elle est en revanche fragilisée par un maigre bilan économique, marqué par quatre années de croissance au ralenti, l'entrée du Brésil en récession au premier semestre et une poussée de l'inflation qui pèse sur les ménages.

«Vous avez changé de parti quatre fois en trois ans. Gouverner requiert fermeté et courage, des positions claires. Il n'y a pas de place pour l'improvisation», a lancé Dilma Rousseff à sa grande rivale écologiste Marina Silva, qui la talonne dans les sondages.

«J'ai changé de parti pour ne pas changer d'idéaux et de principes», a rétorqué Mme Silva, une ancienne militante du Parti des travailleurs (PT) de Mme Rousseff qu'elle a accusée en retour de faire contre elle une basse campagne de «rumeurs» et de «calomnies».

Amplifier la dynamique

Transfuge du PT, fervente évangélique, Marina Silva, qui rêve de devenir la première présidente noire du Brésil, a bouleversé la donne en assumant la candidature du Parti socialiste brésilien (PSB) laissée vacante par la mort de son allié Eduardo Campos, mort en août dans un accident d'avion.

Surfant sur sa promesse attrape-tout de «nouvelle politique», en rupture avec les grands partis, et d'équilibre entre défense des acquis sociaux et retour à une gestion économique orthodoxe, elle a longtemps été donnée largement victorieuse sur Mme Rousseff en cas de second tour.

Mais au prix d'une contre-offensive musclée, Mme Rousseff a inversé la tendance.

Selon le dernier sondage dont les résultats ont été rendus publics vendredi, elle remporte largement le premier tour, avec 40% des voix, contre 27% pour Marina Silva et 18% pour le social-démocrate Aecio Neves. Les neuf autres «petits» candidats totaliseraient à peine 1% des voix.

La présidente cherche à amplifier cette dynamique dans la dernière ligne droite et à gagner encore quelques points dans l'espoir de l'emporter à l'arraché dès dimanche.

C'est techniquement à portée de main.

En vertu de la loi électorale brésilienne, le vainqueur du premier tour est élu s'il a à lui seul plus de voix que ses adversaires. Les votes blancs et nuls étant comptabilisés, il n'a pas nécessairement besoin de franchir la barre des 50%.

Mme Rousseff sait en effet qu'un second tour serait pour elle à haut risque. Candidate suscitant le plus fort taux de rejet (30% environ), sa marge de progression est beaucoup plus limitée que celle de Marina Silva.

Cette dernière bénéficierait des reports de voix de ceux qui, entre opposants traditionnels et déçus du «Lulisme», veulent tirer un trait sur 12 ans de pouvoir du PT.

Selon le sondage de vendredi, les deux femmes sont à égalité technique en cas de second tour, avec une légère avance pour Mme Rousseff (43% contre 40%).

Visage fermé, voix dure, Dilma Rousseff a réservé toutes ses attaques à Marina Silva pendant le débat organisé dimanche soir par TV Record, l'accusant d'être «incohérente», «pas préparée pour gouverner».

«Vous ne pouvez pas adopter une position aujourd'hui et en changer demain», a-t-elle lancé, après lui avoir demandé de dire clairement si elle maintiendrait les énormes crédits accordés à l'économie par les banques publiques, alors que son programme parle de les réduire.

«Je vais maintenir les crédits publics à leur niveau, mais contrairement à ce qui se passe actuellement, ils ne seront plus seulement destinés à une demi-douzaine d'entrepreneurs», a répondu Marina Silva.

Semblant se résoudre à la troisième place et soucieux de ménager une possibilité d'alliance au second tour, Aecio Neves a en revanché globalement épargné Marina Silva, concentrant ses attaques sur la présidente.