Candidate par accident à la présidentielle d'octobre au Brésil, l'écologiste Marina Silva menace sérieusement et contre toute attente la réélection de Dilma Rousseff à qui elle a tenu tête mardi avec aisance lors du premier débat télévisé de la campagne.

Un sondage publié mardi soir, juste avant ce débat, et donnant Mme Silva largement victorieuse en cas de second tour face à la présidente de gauche sortante, a fait l'effet d'une bombe dans les états-majors politiques et les médias brésiliens.

Selon ce sondage de l'institut Ibope, Dilma Rousseff, candidate du Parti des travailleurs (PT, gauche), une formation au pouvoir depuis 10 ans, remporterait le premier tour de la présidentielle le 5 octobre, avec 34 % des votes, devant Marina Silva (29 %), propulsée candidate du Parti socialiste brésilien (PSB, centre gauche) après la mort de son leader Eduardo Campos dans un accident d'avion le 13 août.

Mais en cas d'un, très probable, second tour, Marina Silva l'emporterait avec neuf points d'avance, recueillant 45 % des suffrages contre 36 % pour la présidente sortante.

La candidature imprévue de Mme Silva bouleverse la donne politique au Brésil.

Au moment de son décès, M. Campos, peu connu du grand public, ne recueillait en effet que 9 % des intentions de vote.

Et Dilma Rousseff, héritière politique du charismatique ex-président Lula (2002-2010) était donnée favorite de tous les sondages, au premier comme en cas de second tour.

Un séisme politique

Une victoire de Mme Silva à la présidentielle constituerait un séisme politique majeur dans le grand pays émergent d'Amérique latine.

Elle mettrait en effet fin à 20 ans d'hégémonie du PT et du Parti social-démocrate brésilien (centre droit) dont Marina Silva a relégué le candidat Aecio Neves en troisième position des intentions de vote avec une avance de 10 points.

Elle aurait également une forte charge symbolique. Ce serait la première fois qu'un afro-descendant (qui représentent la moitié des 200 millions d'habitants du Brésil) est élu à la tête du pays. La première fois également qu'un chrétien évangélique dirige le pays comptant le plus de catholiques au monde.

La forte progression de Marina Silva n'est toutefois qu'une demi-surprise. Ancienne sénatrice et ex-ministre de l'Environnement de Lula, elle est bien connue des Brésiliens et avait déjà créé la sensation en terminant troisième avec 20 % des voix à l'élection de 2010 remportée par Mme Rousseff.

Elle est également la seule personnalité politique de premier plan avec l'ex-président Lula à avoir conservé sa popularité intacte lors de la fronde sociale massive de juin 2013.

Des centaines de milliers de Brésiliens avaient manifesté contre la facture publique colossale de la Coupe du monde de soccer et l'indigence de l'éducation, de la santé et des transports publics, exprimant un rejet massif de la classe politique et de la corruption.

Les Brésiliens ont observé une trêve sociale pendant le Mondial cet été, mais les revendications de 2013 et le rejet de la classe politique traditionnelle sont toujours bien présents.

Électron libre de la classe politique brésilienne, Marina Silva surfe sur cette vague et gagne des intentions de vote sur ses rivaux, mais surtout auprès des indécis et des abstentionnistes.

Très à l'aise lors du débat télévisé qui a opposé mardi soir les sept candidats à la présidentielle, elle s'est montrée incisive face à une Dilma Rousseff sur la défensive, fragilisée par un contexte économique dégradé, avec une croissance en panne et une hausse de l'inflation.

Sans formuler aucune proposition concrète, elle a promis une «nouvelle politique» pour en finir «avec la vieille bipolarisation» de la vie politique brésilienne.

Incisive, elle a qualifié Mme Rousseff de «gestionnaire sans vision stratégique», l'accusant d'avoir commis des «erreurs évidentes» au plan économique qui ont contribué à la dégradation de l'économie, après le boom économique des années Lula.