Deux bidons vides à la main, Ramona Yesenia attend de recevoir l'eau gratuite qui remplacera celle de son robinet: depuis une semaine, après une fuite d'acide sulfurique qui a teinté d'orange le fleuve Sonora, dans le nord-ouest du Mexique, 20 000 habitants sont privés d'eau.

«Si on tue une vache, on ne va pas savoir si on peut la manger, si ça va être bon ou pas... ils disent que si (le bétail) a bu juste un peu d'eau (du fleuve), il est déjà infecté», se désole Ramona, qui travaille comme femme de ménage et dans les champs d'ail de la petite ville de Arizpe, où habitent 3000 personnes.

Venue avec sa mère et ses deux filles sous une chaleur écrasante, elle s'inquiète pour les fillettes. «Rien qu'avec la boue (du fleuve), elles peuvent s'infecter», dit la grand-mère.

La famille repart finalement bredouille, le camion-citerne venu ravitailler la zone étant déjà vidé, devant la forte demande.

Au total, les habitants de sept villes sont sans eau depuis la fuite, le 6 août, de 40 000 mètres cubes d'acide sulfurique dans la mine de cuivre Buenavista del Cobre, à Cananea.

La mine «n'a prévenu aucune autorité», a dénoncé à l'AFP Jesus Arias, responsable de la Protection civile de la région, qui n'a été informé de l'accident que 24 heures plus tard.

«Il y avait un défaut de structure dans le barrage (de la mine), qui n'était pas bien surveillé ni bien construit, ce qui a entraîné ce problème», selon César Lagarda, responsable local de la Commission nationale de l'eau.

La Commission nationale des droits de l'Homme a ouvert une enquête «pour les possibles violations des droits de l'Homme des habitants de la région de Sonora, affectés par la fuite», et les associations environnementales ont alerté des dangers pour la santé de cette eau polluée.

L'entreprise qui gère la mine, Grupo Mexico (un des leaders du secteur en Amérique latine), assure avoir prévenu dès mercredi les autorités.

Et elle se veut rassurante: «le contenu de ces acides n'est pas toxique en lui-même», a affirmé Juan Rebolledo, vice-président des relations internationales de Grupo Mexico, sur la radio Formula.

«Il n'y a aucun problème à avoir, ni de conséquence grave pour la population, tant que l'on prend les précautions adéquates et que l'entreprise verse, comme elle le fait actuellement, de la chaux» pour neutraliser l'acidité du produit, a-t-il dit.

Il a expliqué l'accident par les «pluies atypiques» survenues dans la région, qui ont fait déborder les réservoirs.

«Une odeur de pourri»

L'effet visuel est toutefois très inquiétant, car le produit toxique a provoqué dans le fleuve, long de 420 kilomètres, une tache orange d'au moins 60 kilomètres, le long de sept villes - Arizpe, Banamichi, Baviacora, Aconchi, Cananea, Ures et Hermosillo -, dont la fourniture en eau a été suspendue.

«Cela, je l'ai récupéré du fleuve dans les premiers jours», dit Octavio Toledano, un habitant de la région, montrant presque avec fierté une petite bouteille en plastique remplie d'une eau où se mélangent le jaunâtre et le rouge.

«Le jour où j'ai pris ça, il y avait une odeur de pourri», ajoute-t-il.

«On remarque que l'eau est de plus en plus rouge chaque jour» dans le fleuve, raconte Jesus Sabori, dans sa maison située à Huepac. «Mais ce n'est qu'hier (lundi) qu'on nous a dit de retirer les animaux» des abords du fleuve.

«Nous sommes très en colère, car ils ne nous ont pas prévenus, ni qu'ils avaient cette fuite, ni que cela nous priverait d'eau», fulmine Israel Duran, un autre habitant, de 70 ans. «Même si cela donne du travail, (cette mine) il vaut mieux la fermer s'ils se comportent de cette manière à chaque fois qu'il y a ce genre de chose».

La mine, qui apporte 9000 emplois directs, a, elle, plutôt des projets d'expansion, souhaitant augmenter sa production annuelle de cuivre de 200 000 tonnes actuellement à 510 000 en 2016.

La région de Sonora, qui regroupe 27% de l'activité minière au Mexique, est la principale productrice d'or, de cuivre et de graphite du pays.

Photo HECTOR GUERRERO, AFP

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