Les Colombiens ont réélu le chef de l'État, Juan Manuel Santos, dimanche au second tour de la présidentielle, donnant un feu vert à la poursuite du processus de paix avec les guérillas d'extrême gauche, dans ce pays en proie à un conflit armé d'un demi-siècle.

Artisan de négociations menées depuis 19 mois à Cuba avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), M. Santos a obtenu 50,93% des voix, contre 45,02% pour Oscar Ivan Zuluaga, virulent opposant à ces pourparlers, selon un décompte définitif comptabilisant le reste des votes en blanc.

«Ce qui était en jeu n'était pas le nom d'un candidat mais le cap d'un pays», a lancé le président sortant. «Ce ne sera pas une paix avec impunité, ce sera une paix juste. Nous aurons des moments difficiles pour garantir qu'elle soit non seulement juste mais durable», a-t-il ajouté.

«Paix, la Colombie veut la paix!», lui ont répondu plusieurs centaines de sympathisants, réunis au siège de campagne à Bogota, où nombre d'entre eux avaient dessiné le mot «paix» sur la paume de leur main, d'autres arborant une colombe de la paix en papier sur leurs vêtements.

Au pouvoir depuis 2010, M. Santos, un dirigeant de centre droit de 62 ans, issu d'une grande famille de la politique, avait fait d'un accord de paix rapide son unique slogan de campagne, d'un pays où la pauvreté touche encore près du tiers des 47 millions d'habitants, malgré une croissance supérieure à 4%.

Cette victoire permet aussi au président réélu de lancer désormais le dialogue récemment rendu public avec l'Armée de libération nationale (ELN).

Son gouvernement, qui avait conservé en mars dernier une majorité relative au parlement, a désormais la voie libre pour mener à terme les négociations de paix avec les Farc et l'ELN, les dernières guérillas en activité en Colombie et les plus anciennes d'Amérique latine, avec respectivement 8000 et 2500 combattants selon les autorités.

 «Plus jamais de Farc!» 

«Avec ce résultat, Santos obtient une victoire avec une marge pas si étroite, qui va lui permettre de gouverner de manière commode», a estimé le politologue Fernando Giraldo, enseignant à l'université Javeriana, interrogé par l'AFP.

Partisan de plus de fermeté, le candidat de l'opposition, qui incarnait le scepticisme à l'égard des pourparlers avec les rebelles, n'a pas réussi à convaincre de la nécessité d'imposer aux Farc des conditions pour les négociations qui se déroulent sans cessez-le-feu.

«Je veux féliciter le président Santos, c'est cela la démocratie», a brièvement réagi cet économiste de 55 ans, qui avait prôné auparavant «une paix négociée, sans haine ni rancoeur». «Plus jamais de Farc, plus jamais de Farc!», ont scandé ses partisans dans son QG rapidement deserté.

Encore peu connu du grand public ces derniers mois, M. Zuluaga s'était taillé un franc succès avec le slogan «non à l'impunité». Un thème sensible en Colombie où le conflit entre guérillas, milices paramilitaires et bandes criminelles a fait plusieurs centaines de milliers de morts et entraîné le déplacement de cinq millions de personnes.

En cas de victoire, le candidat de l'opposition entendait «réviser» les accords déjà conclus à Cuba, notamment sur l'instauration d'une réforme rurale dans son pays où les Farc sont une guérilla issue d'une insurrection paysanne.

Protégé de l'ex-président conservateur et sénateur Alvaro Uribe, figure populaire pour sa guerre frontale contre les Farc entre 2002 et 2010, M. Zuluaga exigeait des rebelles une reddition d'ici à un mois et des peines de prison d'un minimum de six ans pour leurs chefs.

L'échec est aussi patent pour M. Uribe, qui accusait son prédecesseur et ancien ministre de la Défense de «traître» et avait encore clamé dimanche sa volonté d'«un pays en sécurité et en paix».