Menaces, agressions, exécutions de journalistes, attentats contre les médias: l'escalade se poursuit dans les atteintes à la liberté de la presse au Mexique. Et la société se montre de plus en plus sensible à cette situation. À la fin du mois de mai, l'institut de sondages Parametria a révélé que 97% des Mexicains percevaient le journalisme comme une profession à haut risque et que 63% estimaient que le gouvernement ne faisait pas le nécessaire pour protéger les journalistes dans leur mission d'informer la société.

En 2013, 286 journalistes ont été victimes d'agressions - ce qui inclut 4 assassinats - dans le cadre de l'exercice de leur profession, un chiffre en hausse par rapport à l'année précédente, d'après l'organisation de défense de la liberté d'expression Article 19. Depuis 2007, c'est 50 reporters qui ont été assassinés. La perception de la société n'est donc pas erronée.

«Il n'y a pas d'indice que la situation puisse s'améliorer, étant donné les conditions de violence qui persistent dans le pays», analyse Balbina Flores Martínez, représentante de Reporters sans frontières au Mexique. Un phénomène s'est accentué: «Les menaces à l'encontre des reporters sont devenues une pratique commune.» Les journalistes qui enquêtent sur des dossiers délicats, liés au crime organisé et aux cartels de la drogue, et qui révèlent des scandales de corruption sont de plus en plus souvent la cible de menaces de mort. «Cela génère une plus grande insécurité pour les journalistes, mais aussi une autocensure, qui empêche l'information de parvenir à la société», souligne Balbina Flores. En outre, l'impunité des menaces et des agressions est une constante.

Menaces de mort

«Les autorités brillent par leur absence alors qu'elles sont censées enquêter sur ces agressions. Elles espèrent simplement que ces cas tomberont dans l'oubli», affirme Marta Durán de Huerta. Cette sociologue, professeure de journalisme et correspondante de la radio hollandaise au Mexique, a reçu des menaces de mort par téléphone le 13 mai dernier. Immédiatement, elle a décidé de dénoncer publiquement les faits: «Des journalistes qui n'ont pas tenu compte des menaces ont été tués», explique-t-elle.

L'an dernier, le gouvernement mexicain a mis en place un «mécanisme de protection», qui inclut diverses mesures destinées à sauvegarder l'intégrité physique des journalistes menacés. Anabel Hernández, auteur d'un best-seller sur les cartels et la corruption politique, fait l'objet de menaces depuis plusieurs années. La journaliste était censée être encadrée par le mécanisme de protection à l'époque où elle a retrouvé des animaux morts devant sa porte. Par la suite, en décembre dernier, un commando armé a fait irruption chez elle en son absence. Les autorités fédérales n'ont pas réagi. Aujourd'hui, elle se sent totalement abandonnée: «Le soi-disant mécanisme de protection m'a placée dans une situation encore plus difficile, car tout le monde pense que je suis protégée et que mon cas est réglé. Or, c'est faux, je suis encore plus vulnérable.» En avril dernier, le ministère de l'Intérieur reconnaissait que ce programme était un échec et qu'il devait être révisé.

Pour Reporters sans frontières, Anabel Hernández fait partie des 100héros de la liberté d'expression dans le monde. Mais au Mexique, elle est livrée à son sort.