Un policier a été tué par balle jeudi soir à Caracas au cours d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, après le démantèlement dans la matinée de plusieurs camps de contestataires dans la capitale vénézuélienne et l'interpellation de 243 d'entre eux.

Selon le directeur de la police municipale de Polichacao (est), Yoryi Carvajal, trois autres policiers ont été blessés, un par balle et deux par des objets contondants.

Les autorités vénézuéliennes ont frappé un grand coup jeudi à l'aube contre les étudiants mobilisés contre le gouvernement du président socialiste Nicolas Maduro.

«L'opération a été lancée à 03h00 du matin. (...) Il était évident que ces sites abritaient des groupes violents commettant des actes terroristes: incendier des patrouilles de police, affronter à coups de cocktails Molotov et avec des armes les forces de sécurité», a déclaré le ministre de l'Intérieur, Miguel Rodriguez Torres au micro de la télévision d'État VTV.

«243 personnes ont été appréhendées (...) sans violence» et seront entendues afin de déterminer si elles doivent être poursuivies, a ajouté M. Torres, ancien responsable des services de renseignement.

«Ils tendent à 03H00 du matin une embuscade à nos compagnons (...) Ils vont devoir préparer des cellules plus grandes, les étudiants vont poursuivre la lutte pour leurs droits», a commenté l'un de leurs leaders, Juan Requesens.

Cette opération surprise s'est déroulée à quelques heures de la comparution devant la justice de Leolpoldo Lopez, dirigeant du parti Voluntad Popular (droite), détenu depuis mi-février sous l'accusation d'incitation à la violence, dont l'audience a finalement été reportée sine die.

«Aujourd'hui la justice injuste s'est dérobée. De quoi ont-ils peur? De la vérité? Ils savent que je devrais être libéré», a déclaré M. Lopez, qui appelle à faire chuter le gouvernement, à sa sortie du tribunal pour réintégrer sa prison, a indiqué son parti sur Twitter.

Depuis début février, le Venezuela est le théâtre d'un mouvement de protestation étudiant relayé par l'opposition critiquant la politique du président socialiste Nicolas Maduro, héritier d'Hugo Chavez, mort en mars 2013.

Malgré ses plus importantes réserves de pétrole de la planète, qui lui rapportent 100 milliards de dollars par an, le pays subit depuis plusieurs mois une crise économique aiguë, combinant pénuries récurrentes et inflation croissante (plus de 60% par an).

Bastions d'irréductibles

Les violences en marge des manifestations, lancées au départ par des étudiants de province pour protester contre l'insécurité galopante, ont fait officiellement 41 morts et plus de 700 blessés.

Une centaine d'enquêtes sont en outre en cours concernant d'éventuels exactions commises par les forces de l'ordre.

Le mois dernier, outre quelques manifestations et incidents sporadiques, les derniers bastions de la contestation étaient ces campements tenus par des jeunes irréductibles à Caracas.

Le principal d'entre eux était dressé devant les locaux du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), où des centaines de tentes étaient installées. Jeudi matin, le campement était détruit.

Fidèle à la rhétorique dramatique employée par les autorités lorsqu'elles évoquent ce qui touche à ce «coup d'Etat en cours», pour citer le président Maduro, le ministre de l'Intérieur a affirmé que la police avait saisi jeudi matin «de la drogue, des armes, des explosifs, des mortiers, des grenades lacrymogènes».

À la mi-journée, des groupes de jeunes gens s'était rassemblés dans au moins trois points de Caracas et l'un de ces rassemblements a été dispersé à coups de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, a constaté un journaliste de l'AFP.

L'opération de la nuit a été «condamnée» par la principale figure de l'opposition, le gouverneur Henrique Capriles. «Ceux qui agissent dans l'obscurité savent qu'il font quelque chose de répréhensible», a-t-il ajouté au cours d'une rencontre avec des enseignants.

«Le recours à la force brutale pour limiter la liberté d'expression favorise des manifestations plus agressives et rend le dialogue plus difficile», a assuré à l'AFP le politologue Luis Vicente Leon.

«En pleine crise économique, avec l'annonce d'un rationnement d'eau et d'électricité, le gouvernement (...) tente de montrer qu'il n'est prêt à aucune concession», a ajouté M. Leon, directeur de l'institut Datanalisis.

Un récent sondage de cet institut a montré que six Vénézuéliens sur 10 étaient mécontent de la gestion du président Maduro.

Cette opération de police intervient après le report la veille au soir d'une nouvelle réunion prévue entre le gouvernement et des représentants de la coalition d'opposition de la Table de l'unité démocratique (MUD), qui a de son côté réclamé «la libération immédiate de étudiants arrêtés».

Gouvernement et opposants tentent depuis début avril de mener un dialogue national inédit, qui a été difficile à amorcer et continue de subir des à-coups.