Le candidat conservateur Juan Carlos Varela a remporté dimanche l'élection présidentielle au Panama où il succédera au milliardaire conservateur Ricardo Martinelli, dans un pays où les fruits de la très forte croissance économique liée notamment au canal profitent majoritairement à l'élite.

Le président du tribunal électoral a appelé M. Varela, vice-président élu et ancien ministre des Affaires étrangères, entré en opposition avec le président sortant, pour l'informer de sa victoire après dépouillement de plus de 80% des scrutins. Il a remporté cette élection à un tour en obtenant 39% des voix.

Les sondages ne donnaient pourtant M. Varela qu'en troisième position derrière le candidat de droite et ancien ministre du Logement José Domingo Arias, parrainé par le sortant Ricardo Martinelli, et l'opposant social-démocrate et ex-maire de Panama, Juan Carlos Navarro.

Juan Carlos Varela, 50 ans, est un florissant producteur de rhum, fervent catholique, entré en dissidence après avoir été le vice-président du gouvernement dirigé par M. Martinelli.

Il a renoncé à ses ambitions présidentielles en 2009 pour rejoindre le camp de M. Martinelli. Après la victoire de ce dernier, il est nommé ministre des Affaires étrangères avant d'être destitué deux ans plus tard, à la suite de désacords avec le président, contre lequel il a pris dimanche sa revanche.

Quelque 2,5 millions d'électeurs, sur 3,8 millions d'habitants, étaient convoqués pour ces élections générales où ils devaient également désigner leurs 71 députés et leurs maires. Le scrutin s'est déroulé dans le calme.

M. Varela a proposé, dans son premier message après l'annonce de sa victoire, à toutes les forces politiques du pays de le rejoindre pour former un «gouvernement d'union nationale».

Les trois principaux candidats présidentiels, très proches dans les sondages d'intentions de vote, ont affiché au cours de la campagne des propositions très similaires, consistant généralement à maintenir l'alignement du pays avec les Etats-Unis et à mieux répartir les fruits d'une croissance de plus de 8% annuels.

«Le Panama a fourni un effort extraordinaire pour ouvrir son économie, maintenir une discipline fiscale (et) contrôler son déficit fiscal, et aucun des candidats n'a proposé de changer de cap», expliquait l'avocat et analyste politique Ebrahim Asvat.

«Les millionnaires toujours plus millionnaires»

«Quel que soit le gagnant, moi, lundi, je dois aller travailler. (Mais) je vais voter parce que je dois penser à l'avenir, à mes enfants», a témoigné pour l'AFP Manuel Dominguez qui vend des télécommandes et des piles, disposées sur un tissu posé au sol dans une avenue piétonne de la capitale.

Il a voté pour M. Varela car il le croit capable de lutter contre l'inflation (4% en 2013), le thème principal de sa campagne. «Tout est très cher», se plaint-il.

A proximité, l'électricien Luis Herrera affiche son soutien à M. Arias. «Nous ne pouvons pas revenir en arrière, le Panama a parcouru beaucoup de chemin ces dernières années grâce à ce gouvernement. J'espère que nous poursuivrons sur ce chemin», explique-t-il.

Depuis la place Cinco de Mayo, où se concentrent petits commerces, logements populaires et circulation automobile, on aperçoit le quartier chic de Punta Pacifica, conglomérat de gratte-ciel en bord de mer, témoins d'un boom immobilier sans précédent et d'une vague de modernisation qui fait du pays le «Dubaï des Amériques», selon les mots du président sortant.

Mais l'opulence de Punta Pacifica contraste avec les bidonvilles tout proches, où les habitants n'ont ni eau courante, ni logement digne, et encore moins accès à la santé, à l'éducation ou aux transports.

«La croissance économique n'a profité qu'à l'élite. Les millionnaires sont toujours plus millionnaires, mais au détriment de ceux d'en bas», alors que la pauvreté frappe encore officiellement plus de 25% de la population, confirme Jaime Porcell, expert en analyses électorales.

M. Navarro, du Parti révolutionnaire démocratique (PRD), est l'héritier du nationalisme de gauche du général Omar Torrijos, à l'origine de la rétrocession du Canal de Panama par les Etats-Unis, en 1999. Il a été le premier à reconnaître la victoire de M. Varela.

Les travaux d'élargissement du canal, actuellement en cours et estimés à plus de 5 milliards de dollars, ont pris du retard. L'inauguration de la nouvelle voie n'est plus attendue avant début 2016, contre 2014 initialement espéré, à l'occasion de son centenaire.