À l'heure de boucler sa première année de mandat à la tête du Venezuela, Nicolas Maduro se trouve fragilisé à la fois par une crise économique de plus en plus aiguë et une vague de protestation qui pointe sa mauvaise gestion depuis plus de deux mois.

Élu de justesse suite au décès d'un cancer de Hugo Chavez, l'ancien chauffeur de bus et syndicaliste a d'emblée annoncé qu'il poursuivrait la révolution socialiste bolivarienne de son mentor, qui prévoit la redistribution de la rente pétrolière aux plus démunis et un fort interventionnisme de l'État sur l'économie.

Dès son investiture le 19 avril 2013, il s'était fixé pour objectifs de juguler les maux les plus criants du pays : une inflation avoisinant les 30% et une criminalité en hausse, estimée alors à 17 000 homicides annuels pour une nation de 30 millions d'habitants.

Las, malgré beaucoup d'annonces-chocs et d'«offensives» lancées par le dauphin de Hugo Chavez pour tenter d'infléchir ces tendances, la situation ne cesse de se dégrader depuis.

Aujourd'hui, une ONG fait état de 25 000 morts par homicide en 2013, tandis que la crise économique enfle et que l'inflation flirte avec les 60%. S'ajoutent à ces maux un manque criant de devises, un déficit budgétaire supérieur à 15% et des pénuries récurrentes de biens de première nécessité qui pèsent sur le quotidien des Vénézuéliens.

La plupart des analystes économiques attribuent ces difficultés au contrôle sévère de l'accès aux devises en vigueur depuis 2003, à la chute de la production de biens, à l'envolée des importations et au poids du service de la dette. Un bilan bien terne pour un pays habitant pourtant les plus importantes réserves de pétrole au monde.

Exposé aux critiques, M. Maduro attribue plutôt cette situation à une «guerre économique» menée selon lui par l'opposition et le secteur privé appuyés par des groupes d'intérêt basés aux États-Unis. En octobre, il a obtenu de l'Assemblée nationale des pouvoirs spéciaux lui permettant de légiférer par décret pendant un an sur l'économie, mais sans résultat tangible pour l'instant.

«Un malaise social effrayant»

«Les chiffres et le malaise social sont effrayants», assure à l'AFP la psychologue sociale Colette Capriles, auteur de «La révolution comme spectacle». «On constate une désintégration du statu quo qu'il y avait sous Chavez (...) un manque de clarté dans la gestion, un manque de projet», estime-t-elle.

Car si M. Maduro poursuit dogmatiquement l'héritage de son prédécesseur et fait tous les efforts pour endosser son costume -jusqu'à parfois plagier son phrasé et ses attitudes-, beaucoup d'observateurs notent qu'il n'a le charisme ni le pragmatisme qui permettaient à Chavez de rassembler au-delà du parti socialiste au pouvoir.

Maduro, pourtant considéré comme un modéré à son arrivée au pouvoir, a gouverné «par l'extrémisme et pour l'extrémisme», assure Carmen Beatriz Fernandez, de l'institut Datanalisis, regrettant qu'il n'ait pas davantage cherché «plus d'amplitude pour gouverner plus facilement».

Et le 4 février dernier est venue s'ajouter au tableau une grogne populaire enclenchée par des étudiants, qui ont entraîné dans leur sillage les sympathisants de l'opposition. Le mouvement a progressivement pris de l'ampleur, avec des manifestations de milliers de protestataires à Caracas notamment, et des violences survenues en marge de ces marches ont fait 41 morts et plus de 600 blessés.

La semaine dernière, après plusieurs tentatives avortées, le président a cédé à la pression de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) en ouvrant un dialogue avec l'opposition. Mais les discussions achoppent sur le refus du gouvernement d'amnistier les opposants arrêtés en marge des manifestations. En outre, une partie de l'opposition radicale a refusé de participer au dialogue et appelle à poursuivre les manifestations.

«Depuis deux mois, Maduro a tenté de tenir au milieu de l'ouragan en essayant de détourner l'attention des problèmes économiques sur le terrain politique, et de cacher une profonde crise économique et sociale» avec ses accusations de complot visant l'opposition, analyse Carmen Beatriz Fernandez.

Affichant sa volonté de reprendre la main sur l'économie, le président vénézuélien a annoncé mardi le lancement d'une nouvelle «offensive» dans le cadre de laquelle il s'est engagé «à vaincre l'inflation» et à «promouvoir les prix justes», parallèlement à une réforme fiscale prévoyant une meilleure répartition de l'impôt. Le détail de ce plan doit être annoncé le 22 avril.

«Le gouvernement a grand besoin de stabilité, mais la tension est permanente (...) il doit donc parvenir à rétablir l'équilibre économique», affirme Colette Capriles.

Celle-ci, comme beaucoup d'autres analystes, écarte toutefois tout risque de déstabilisation de son pouvoir, car le rapport de force politique demeure très équilibré entre «chavistes» et opposants.